en une : Le lexique de français

Sos dissertation

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"La politique est-elle l'affaire de tous ?"

Quelques perspectives, dans le désordre, que je vous laisse le soin d'articuler le cas échéant :

En mai 68, on avait coutume de scander "Si tu ne fais pas de politique, c'est la politique qui s'occupera de toi." Autrement dit, si l'on ne fait pas de la politique l'affaire de tous, alors elle est exercée par une corporation, une "classe" disait-on alors, qui en fait l'instrument de la domination qu'elle exerce sur les autres. Si la politique n'est pas l'affaire de tous, alors elle est l'affaire de quelques-uns, et c'est aux dépens des autres qu'elle est conduite - en ce sens, d'ailleurs, c'est aux dépens de certains qu'elle est l'affaire de tous...-.

L'une des difficultés de votre sujet réside dans l'ambiguïté de l'expression "être l'affaire de tous" : il y a plusieurs façons de "faire" de la politique, d'en faire son "affaire"... On peut se faire élire, manifester, exercer son droit de vote, participer à des associations, ou encore se replier - paradoxalement - sur la seule sphère privée et laisser à autrui le soin de s'occuper pour moi de l'espace public... Autrement dit, la démocratie directe (modèle athénien, ou rousseauiste - Du Contrat Social -) est-elle la seule façon de faire de la politique "l'affaire de tous" ? Vous devez réfléchir sur ce que signifie le fait d'élire des représentants, sur ce en quoi une démocratie représentative - sur le modèle de la France aujourd'hui par exemple - fait de la politique l'affaire de tous, ou bien, à l'inverse, exclut les administrés des décisions prises par les gouvernants.

Vous devez réfléchir, à l'inverse, aux conséquences pratiques de la conviction selon laquelle la politique serait, qu'on le veuille ou non, l'affaire de tous... Voyez, en ce sens, le Tome II de De la Démocratie en Amérique, où Tocqueville appelle de ses voeux la multiplication des associations, véritable instrument de la liberté politique, parce qu'elles interdisent un individualisme radical qui donnerait paradoxalement à l'État une puissance excessive. Le citoyen doit occuper l'espace laissé vacant entre lui et le pouvoir, il nous faut articuler, en s'associant, en créant des journaux, l'intérêt public et l'intérêt privé... sans quoi nous erons victimes de la politique. En d'autre termes, c'est précisément parce que la politique est l'affaire de tous, en ce qu'elle s'occupe de nous si nous ne nous occupons pas d'elle (le repli sur la sphère privée permet la tyrannie selon Tocqueville, puisque le tyran n'a aucun contre-ppouvoir face à lui)... que nous devons en faire notre affaire.

Je vous invite également à réfléchir sur les différents types de régime que propose la République de Platon (notamment au Livre VIII), où il est dit que le gouvernement doit être laissé à ceux qui en ont la science. Platon est, à bon droit, tenu pour le premier penseur de la technocratie. Doivent gouverner ceux qui savent le faire, les compétents. Platon détestait la démocratie en ce que, notamment, chacun peut y prétendre exercer le métier qu'il veut, or le métier de politique, par exemple, exige un savoir spécifique. Dans ce texte, dans cette perspective, la politique n'est pas l'affaire de tous, bien au contraire, mais n'est-ce pas là, avant l'heure, une représentation assez précise de ce que les "citoyens" reprochent, par exemple, à la construction européenne ?
Partez de l'actualité, demandez-vous quelle est la nature du phénomène récent et ample de revendication de sa "citoyenneté" contre un pouvoir jugé désincarné, ou abstrait...

Nous aurons une discussion plus précise, si vous m'envoyez un plan.
Bien à vous. "
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