en une : Le raisonnement par récurrence

"s'il te plait monsieur le philosophe ... la vie est elle un vaste théatre ou chacun.."

Philosophie > sujets expliqués - Question simple
                
"la vie est un vaste théatre ou chacun joue son role puis s'en va".

Nous avions un problème d'affluence lorsque votre question a été envoyée, c'est donc sans espoir et avec un retard invraisemblable que je vous envoie quelques éléments de réponse, en espérant que vous y trouverez tout de même quelque profit.
Cette citation, un peu inexacte, que vous avez à commenter, est extraite du monologue de Jacques le Mélancolique ( " All the world's a stage, and all the men and women merely players, they have their exits and their entrances, and one man in his time plays many parts, his acts being seven ages"...) dans "Tout est bien qui finit bien". Elle reprend un thème canonique du théâtre shakespearien, et qui est propre à tout le théâtre baroque (voyez "L'Illusion Comique" de Corneille, et "La vie est un songe" de Calderon), à savoir le sentiment de l'irréalité de toutes choses, l'impossibilité dans laquelle nous sommes de dire que notre vie n'est pas un songe, et le sentiment d'être agi qui s'en déduit. Nous ne faisons que prendre un sérieux ce qui n'est jamais le rôle qu'un grand metteur en scène, un metteur en scène divin, nous intime de jouer. Celui qui se prend pour l'origine de ses actes ne fait jamais que jouer, à son insu, la partition qu'on lui ordonne de jouer. Votre dissertation porte sur la réalité et l'apparence. Sommes-nous en mesure de démontrer la réalité de ce qui nous entoure ? de prouver que nous ne sommes pas dans l'illusion permanente ? (de cela, l'échec de Descartes à démontrer l'existence du monde extérieur - Méditation métaphysique VI - est l'indice). La sagesse n'est pas ici, comme chez Platon par exemple, de saisir l'essence que dissimule l'apparence, mais de consentir au fait que le fond même de toute réalité est illusoire, que le monde est "un enfant qui joue" (comme le dit Nietzsche, en reprenant la parole des Védantas, dans Ecce Homo).
De quoi témoigne le théâtre ? Est-il une fiction qui se donne comme telle et nous abstrait, pour un temps, de la réalité ? Ou est-il, à l'inverse, le véritable reflet d'une réalité dont la consistance est un fantasme ?
Vous aviez raison de supposer que le problème était celui du libre-arbitre, car celui qui se tient pour l'origine radicale de ses actes (Descartes et le libre-arbitre) ne peut consentir à l'idée qu'il est agi, à son insu, par un auteur-metteur en scène dont il dit le texte... mais celui-là est échoue dans le même temps à démontrer l'existence du monde extérieur (voyez ce que dit Descartes du morceau de cire, et de la connaissance par "inspection de l'esprit" - Méditation seconde -). Celui qui sait que l'illusion du libre-arbitre tient à l'ignorance des causes réelles qui le font agir (Spinoza) ne se pose pas la question de l'existence du monde extérieur, puisque, quoi qu'il en soit, notre liberté passe par le consentement au fait que nous sommes déterminés à faire ce que nous faisons.
Il aurait fallu, et ce sera ma dernière remarque, réfléchir également sur les différentes significations que revêt le déterminisme : soit il s'agit d'une providence (Oedipe) qui, derrière notre apparente liberté, ne fait que gouverner nos actes, soit il s'agit de l'idée, moins contraignante selon laquelle l'idée de destin signifie moins une parole divine préalable, qu'elle n'est le fait de consentir à ce qui ne peut pas avoir été autrement que ça a été... Autrement dit, soit ce qui a été devait être (nous ne sommes pas libres), soit ce qui a été n'a pas pu ne pas être (c'est en ce sens que Spinoza, ou Nietzsche, entendent le terme de "nécessité", et nous ne faisons que tenir des rôles provisoires dans une pièce sans début ni fin...

Acceptez mes excuses au nom de notre équipe, mais nous sommes tous comptables des errements de la technique, d'ailleurs il y aurait, là aussi, certainement, de quoi parler beaucoup.

Bien à vous, et à bientôt. "
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