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Le rêve de d'alembert

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 17/06/2008 - Question simple
                
Bonsoir,

Cette question présente en fait deux aspects : tout d’abord il faut voir en quoi c’est un dialogue socratique du point de vue de la forme (quelle tournure, comment il le mène, l’attitude des personnages etc.), bref, c’est essentiellement une étude des aspects de forme, pour voir ce qui ressemble beaucoup au déroulement d’un dialogue avec Socrate dans celui qui vous est ici proposé. Ensuite, il faut étudier plus précisément l’actualisation, c’est-à-dire le fond : il faut voir quels sont les thèmes abordés ici, et les comparer à ceux traditionnellement traités par Socrate ; en effet, Socrate traitait de thèmes importants pour son temps, contemporains de son époque ; il faut voir en quoi ceux qui le sont ici sont essentiels pour ce siècle. En effet, la question de la connaissance par exemple se posait d’une façon différente dans l’Antiquité (rapport avec les dieux, sagesse et philosophie, enseignement de sages etc.) et au XVIIIème siècle (remise en question par rapport au pouvoir et à l’absolutisme, diffusion de la connaissance via l’Encyclopédie et le mouvement des Lumières etc.). Des questions communes peuvent se poser, et les préoccupations quotidiennes d’un siècle ne sont pas forcément celles d’un autre. Cette question demande donc une étude du fond et de la forme de l’extrait à la fois sur un certain nombre de points que nous allons voir. Le tout est de bien identifier dans un premier temps les points communs avec les discours socratiques et ensuite de voir quels sont, en comparaison toujours, les thèmes abordés.

Du point de vue de la forme, le discours Socratique est rappelé par le jeu de « ping-pong » des interrogations : questions très brèves, de reformulation, de retour aux bases, aux définitions pour ramener l’interlocuteur aux choses de bases ; conduite de l’entretien très fine qui amène le locuteur devant ses propres erreurs ou contradictions (Socrate ne fait que reprendre ce qui est dit, le reformuler, et établir, toujours avec l’accord de son interlocuteur, les liens logiques entre tout cela, pour aboutir à la conclusion) ; rappel à l’ordre en quelque sorte quand les choses ne sont pas claires, s’enlisent, se contredisent. Ici, la brièveté des questions, les « rappels à l’ordre », les questions de demande de définitions de base (comme sur la mémoire) se retrouvent facilement, notamment dans les propos du début de Melle de Lespinasse. On note aussi l’usage de l’exemple très concret, très contemporain (citation de personnes du siècle, qui plus est célèbres, pour bien appuyer les propos, faire argument d’autorité). L’essentiel est de montrer par ces indices stylistiques qu’on est bien dans une démarche de maïeutique (accouchement des idées) à la façon de Socrate : on fait parler l’autre, on l’aide à avancer dans son raisonnement, en revenant aux fondamentaux, pour lui montrer sa propre contradiction ou insuffisance et faire éclore si ce n’est la vérité, du moins une certaine forme de savoir / information / vérité quelconque.

Le terme « actualisation » de la question renvoie lui plutôt à la question du fond, des idées ici abordées. Il est question de mémoire, d’intelligence, d’imagination, bref de capacités cognitives, de choses qui touchent au cerveau. Il est ici en fait question définir l’humain et de ce qui distingue les humains entre eux (l’intelligence, la naïveté, l’incrédulité, la bêtise etc.). Le dialogue porte donc sur la définition de l’humain ; les discours socratiques portaient aussi sur la question de la nature humaine, mais de l’humain par rapport aux dieux, au céleste, par rapport à des choses plus grandes et infinies mais aussi plus abstraites, car le contexte de la pensée grecque antique était fortement marqué par ces notions. Mais au XVIIIème siècle, si nous nous remettons dans le contexte de la pensée philosophique des Lumières, l’humain est plus pensé comme individu, moins comme élément dans un grand ensemble qui interroge, il est plus pensé dans sa fonction de fonctionner, dans une certaine comparaison avec les animaux, dans le fonctionnement de son cerveau, ses pensées etc. (pensez à toutes ces notions de l’époque que sont le développement de la médecine et l’anatomie, la chimie, la mode des automates, la comparaison avec l’animal, elle aussi très poussée etc.).

En définitive, ce dialogue est une actualisation du dialogue de Socrate, car tout en reprenant les mêmes éléments de conduite de réflexion et du dialogue et de forme, il pose la question de la nature humaine et du fonctionnement de l’homme, à partir des notions et préoccupations du XVIIIème siècle, quand Socrate traitait ce sujet à partir des connaissances et préoccupations propres à son temps.

Etude de la forme et apport de vos connaissances sur le mouvement littéraire majeur de l’époque doivent donc pouvoir vous permettre de bien répondre à cette question, en complément de quelques connaissances de base sur la pensée et la méthode socratiques.

En espérant avoir éclairci ce point, je vous souhaite bon courage pour la suite de vos révisions et l’examen final.
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