Devoir type bac: l'illusion theatrale.
Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 21/11/2013 - Question simple
Texte A : Pierre Corneille, L’illusion comique, V, 5(1636) Un père (Primadant) bouleversé par la disparition de son fils (Clindor), vient consulter un magicien (Alcandre). Le magicien convoque des « spectres » qui rejouent des épisodes de la vie de son fils, en particulier une histoire d’amour tragique dans laquelle Clindor perd la vie. Ma magie se dévoile : en fait, c’est une troupe de théâtre, dont fait partie Clindor, qui a joué dans le décor d’une grotte. Le fils est devenu comédien.
[...]
PRIDAMANT : Que vois-je ? Chez les morts compte-t-on de l'argent ?
ALCANDRE : Voyez si pas un d'eux s'y montre négligent.
PRIDAMANT : Je vois Clindor ! Ah dieux ! Quelle étrange surprise !
Je vois ses assassins, je vois sa femme et Lyse !
Quel charme en un moment étouffe leurs discords,
Pour assembler ainsi les vivants et les morts ?
ALCANDRE : Ainsi tous les acteurs d'une troupe comique,
Leur poëme récité, partagent leur pratique :
L'un tue, et l'autre meurt, l'autre vous fait pitié ;
Mais la scène préside àleur inimitié.
Leurs vers font leurs combats, leur mort suit leurs paroles,
Et, sans prendre intérêt en pas un de leurs rôles,
Le traître et le trahi, le mort et le vivant,
Se trouvent àla fin amis comme devant.
Votre fils et son train ont bien su, par leur fuite,
D'un père et d'un prévôt éviter la poursuite ;
Mais tombant dans les mains de la nécessité,
Ils ont pris le théâtre en cette extrémité.
PRIDAMANT : Mon fils comédien !
ALCANDRE : D'un art si difficile
Tous les quatre, au besoin, ont fait un doux asile ;
Et depuis sa prison, ce que vous avez vu,
Son adultère amour, son trépas imprévu,
N'est que la triste fin d'une pièce tragique
Qu'il expose aujourd'hui sur la scène publique,
Par où ses compagnons en ce noble métier
Ravissent àParis un peuple tout entier.
Le gain leur en demeure, et ce grand équipage,
Dont je vous ai fait voir le superbe étalage,
Est bien àvotre fils, mais non pour s'en parer
Qu'alors que sur la scène il se fait admirer.
PRIDAMANT : J'ai pris sa mort pour vraie, et ce n'était que feinte ;
Mais je trouve partout mêmes sujets de plainte.
Est-ce làcette gloire, et ce haut rang d'honneur
Où le devait monter l'excès de son bonheur ?
ALCANDRE : Cessez de vous en plaindre. A présent le théâtre
Est en un point si haut que chacun l'idolâtre,
Et ce que votre temps voyait avec mépris
Est aujourd'hui l'amour de tous les bons esprits,
L'entretien de Paris, le souhait des provinces,
Le divertissement le plus doux de nos princes,
Les délices du peuple, et le plaisir des grands :
Il tient le premier rang parmi leurs passe-temps ;
Et ceux dont nous voyons la sagesse profonde
Par ses illustres soins conserver tout le monde,
Trouvent dans les douceurs d'un spectacle si beau
De quoi se délasser d'un si pesant fardeau.
Même notre grand roi, ce foudre de la guerre,
Dont le nom se fait craindre aux deux bouts de la terre,
Le front ceint de lauriers, daigne bien quelquefois
Prêter l'œil et l'oreille au théâtre-François […]
PRIDAMANT : Je n'ose plus m'en plaindre, et vois trop de combien
Le métier qu'il a pris est meilleur que le mien [...]
Texte B : Marivaux, La Dispute, scènes 1,2 et 3 (1744).
La scène est àla campagne
Scène 1. Le prince, Hermiane, Carise, Mesrou.
LE PRINCE : Pour bien savoir si la première inconstance ou la première infidélité est venue d’un homme, comme vous le prétendez, et moi aussi, il faudrait avoir assisté au commencement du monde et de la société. HERMIANE : Sans doute, mais nous n’y étions pas. LE PRINCE : Nous allons y être ; oui, les hommes et les femmes de ce temps-là, le monde et ses premières amours vont reparaître ànos yeux tels qu’ils étaient, ou du moins tels qu’ils ont dû être ; ce ne seront peut-être pas les mêmes aventures, mais ce seront les mêmes caractères ; vous allez voir le même état de cœur, des âmes tout aussi neuves que les premières, encores plus neuves qu’il est possible. […]
Scène 2. Hermiane, Le Prince.
HERMIANE : Vous excitez ma curiosité, je l’avoue. LE PRINCE : Voici le fait : il y a dix-huit u dix-neuf ans que la dispute d’aujourd’hui s’éleva àla cour de mon père, s’échauffa beaucoup et dura très longtemps. Mon père, naturellement assez philosophe, et qui n’était pas de votre sentiment, résolut de savoir àquoi s’en tenir, par une épreuve qui ne laissât rien àdésirer. Quatre enfants au berceau, deux de votre sexe et deux du nôtre, furent portés dans la forêt où il avait fait bâtir cette maison exprès pour eux, où chacun d’eux fut logé àpart, et où actuellement même il occupe un terrain dont il n’est jamais sorti, de sorte qu’ils ne se sont jamais vus. Ils ne connaissent encore que Mesrou et sa sœur qui les ont élevés, et qui ont toujours eu soin d’eux, et qui furent choisis de la couleur dont ils sont, afin que leur élèves en fussent plus étonnés quand ils verraient d’autres hommes. On va donc pour la première fois leur laisser la liberté de sortir de leur enceinte et de se connaître ; on leur a appris la langue que nous parlons ; on peut regarder le commerce qu’ils vont avoir ensemble comme le premier âge du monde ; les premières amours vont recommencer, nous verrons ce qui en arrivera (Ici, on entend un bruit de trompettes). Mais hâtons- nous de nous retirer, j’entends le signal qui nous en avertit, nos jeunes gens vont paraître ; voici une galerie qui règne tout le long de l’édifice, et d’où nous pourrons les voir et les écouter, de quelque côté qu’ils sortent de chez eux. Partons.
Scène 3 : Carise, Eglé.
Carise  Venez, Églé, suivez-moi ; voici de nouvelles terres que vous n’avez jamais vues, et que vous pouvez parcourir en sûreté.
Églé  Que vois-je ? quelle quantité de nouveaux mondes !
Carise  C’est toujours le même, mais vous n’en connaissez pas toute l’étendue.
Églé  Que de pays ! que d’habitations ! Il me semble que je ne suis plus rien dans un si grand espace, cela me fait plaisir et peur. (Elle regarde et s’arrête àun ruisseau.) Qu’est-ce que c’est que cette eau que je vois et qui roule àterre ? Je n’ai rien vu de semblable àcela dans le monde d’où je sors.
Carise  Vous avez raison, et c’est ce qu’on appelle un ruisseau.
Églé, regardant  Ah ! Carise, approchez, venez voir, il y a quelque chose qui habite dans le ruisseau qui est fait comme une personne, et elle paraît aussi étonnée de moi que je le suis d’elle.
Carise, riant  Eh ! non, c’est vous que vous y voyez ; tous les ruisseaux font cet effet-là.
Églé  Quoi ! c’est làmoi, c’est mon visage ?
Carise  Sans doute.
Églé  Mais savez-vous bien que cela est très beau, que cela fait un objet charmant ? Quel dommage de ne l’avoir pas su plus tôt !
Carise  Il est vrai que vous êtes belle.
Églé  Comment, belle, admirable ! Cette découverte-làm’enchante. (Elle se regarde encore.) Le ruisseau fait toutes mes mines, et toutes me plaisent. Vous devez avoir eu bien du plaisir àme regarder, Mesrou et vous. Je passerais ma vie àme contempler ; que je vais m’aimer àprésent !
Texte C : Jean Luc Lagarce, Nous les héros (1997)
La scène se passe dans un théâtre, dans ce qu’il en reste, dans les coulisses d’un théâtre, dans ce qui sert de théâtre dans cette ville-là, une salle du comité des fêtes. La Grande Brasserie, le Café des Voyageurs, juste un entrepôt, une cour ou un recoin de cour. Cela se passe au centre de l’Europe. Ils sortent de la scène.
MADAME TSCHISSIK. – Provinciaux ! Provinciaux et rien d'autre ! Et Prussiens encore, provinciaux prussiens, et sans goût et sans amour et sans intelligence ! Ils rient lorsque je parle, je m'entendais parler et je les entendais rire, je m'apprêtais àmourir et je les entendais pouffer, imbéciles peuplades pleines de crétinerie absolue. Quelqu'un dans mon dos – est- ce qu'on croit que je n’imagine pas ? – quelqu'un dans mon dos les fait rire, rire et pouffer, lorsque je parle et m'apprête àmourir, peut-on imaginer que je ne m'en rende pas compte ? Celle-là(Joséphine), celle-làles fait rire dans mon dos quand je parle, je suis certaine qu'il s'agit d'elle, je suis àl'avant-scène, je m'apprête àmourir et elle les fait rire, rire et pouffer dans mon dos.
JOSÉPHINE. – Moi ? Je ne fais rien. Je ne bouge pas, j'écoute, je ne bouge pas, on veut toujours que ce soit moi, chaque fois c'est la même chose, mais je ne bouge plus jamais, je fais ce qu'on m'a dit, je reste immobile, paralysée. Ce ne peut être moi.
MADAME TSCHISSIK. – Sans bouger, elle les fait rire quand je parle. Sans même le vouloir, elle les fait rire
LA MÈRE. – Elle est comique.
MADAME TSCHISSIK. – Elle n'est pas comique. Elle est risible. Involontairement. J'ai déjàvu des acteurs comiques, je sais ce que c'est, je n'ignore pas ce que c'est, mon mari, là– lui, là, mon mari – mon mari est lui-même un acteur comique.
MONSIEUR TSCHISSIK. – Tout àfait. Ce n'est pas du tout comparable àce que fait votre fille.
MADAME TSCHISSIK. – Je sais ce que peut être le comique. Je ne suis pas concernée quant àmoi mais je sais ce que c'est. Celle-làn'est pas comique, le comique est affaire de volonté, de volonté et de décision, c'est un métier, une manière comme une autre, je suis prête àl'admettre, une manière comme une autre d'exercer notre art. Non, celle-làest risible sans volonté, sans énergie, elle n'y est pour rien, c'est contre sa propre volonté et voudrait-elle ne pas l'être qu'elle le serait tout de même, malgré elle, envers et contre tout ! Et parce qu'elle est involontairement hilarante et ridicule, car c'est bien encore de ridicule qu'il est question, parce qu'elle est ridicule et risible – la pauvre malheureuse, elle ne saurait savoir combien, « àquel point », combien elle est risible, combien tout en elle encourage àl'hilarité, et qui plus est chez les masses provinciales, prussiennes et imbéciles et sans goût et sans amour pour l'art – parce qu'elle est involontairement risible, ces animaux, car animaux et rien d'autre, ces animaux sans esprit, sans désir de littérature et de beauté, ces animaux, lorsque je parle et m'apprête àmourir, ces animaux rient de la voir, juste immobile, derrière moi, paralysée comme elle dit, expression irrésistible du risible involontaire de l'humanité !
MONSIEUR TSCHISSIK. – C'est sa seule présence, peut-être, en fond de théâtre, c'est sa seule présence qui nuit àla scène et encourage très certainement au rire, et la placer dans un autre coin, peut-être, je ne sais pas... Ils la regardent tous, longuement et en effet, involontairement, il faut bien l'admettre, elle est risible.
Document D : L’illusion comique, pièce mise en scène par Marion Bierry au théâtre de Poche Montparnasse àParis en 2006.
=>Cf fichier joint.
Question: Comment et dans quel but l'illusion théâtrale est-elle mise en évidence dans ces quatre documents ?
En attente de votre réponse, je vous remercie.