en une : Cours philo : Dieu

Un écrivain est un homme qui n'arrête pas d'écrire son testament

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 03/10/2007 - Question simple
                
Bonjour,

Tout d’abord, je ne trouve pas que cette dissertation soit aussi « simple » que cela ! Certes, elle aborde un thème relativement classique dans le cadre de vos études et obéit à une formulation elle aussi assez traditionnelle, mais chaque sujet est un cas d’espèce, et aborder le sujet de façon précise et rien que lui n’est jamais si évident que cela, même si la méthode est là pour aider. Il ne faut donc surtout pas vous désespérer face à ces possibles difficultés en début d’année scolaire en plus, l’acquisition des méthodes prend du temps, mais c’est en faisant de suite des efforts comme vous le faites qu’on devient ensuite rapide et efficace. Quant à votre parcours, je crois qu’il ne faut pas non plus vous dévaloriser par rapport à vos camarades venant de Terminale L. Certes, ils sont naturellement plus rompus que vous à ce type d’exercice très précisément, mais en série ES, vous avez aussi rédigé beaucoup de dissertations, synthèses et autres études de documents en économie et histoire-géographie (et aussi en philosophie ou français bien sûr). Vous avez donc déjà des méthodes construites : les arguments sont ici des analyses de passages précis d’½uvres, des éléments de critique littéraire, plus que des faits historiques, chiffrés ou sociaux-économiques, mais la méthode est bien là, et vous devez vous appuyer sur ces acquis comme vous l’avez fait dans votre analyse du sujet. En termes de connaissances pures, de références comme vous le dites bien, vous avez moins de cours qu’eux sur ces thèmes très littéraires auparavant, il est donc normal que vous constatiez ces différences au départ. Mais comme pour la méthode, si vous étudiez régulièrement ½uvres et textes et vous constituez des connaissances précises dans ce domaine, il n’y a aucune raison que vous n’arriviez pas à arriver à leur niveau de connaissance, voire plus. Basez-vous sur vos propres connaissances autres pour faire des parallèles, identifier les sujets où vous vous sentez moins à l’aise etc. Je vous propose de passer maintenant plus concrètement, à l’organisation de vos idées, mais votre travail, avec des arguments précis et des exemples très littéraires, du niveau de précision attendus, montrent que vous avez toutes les compétences pour progresser rapidement et réussir, j’espère que vous en êtes convaincue.

Avant de parler de plan revenons rapidement à la problématique. La question la plus évidente, celle que vous avez certainement choisie, quelle que soit la façon dont vous l’avez formulée est « pourquoi ? ». Pourquoi un écrivain est-il un homme qui n’arrête pas d’écrire son testament ? A cela il va falloir en effet apporter des réponses successives, classées par grandes catégories, trois dans l’idéal, comme trois genres de justifications à cette constatation, à cette répandue. Finalement, qu’est-ce qui fait dire cela aux gens ? Et qu’est-ce qu’un testament ? Au-delà de la forme, à quoi sert-il ? Pourquoi en écrire un, a fortiori pour un écrivain ? Que doit renfermer un testament ? Vous voyez qu’en vous posant cette question, vous pouvez déjà classer certaines de vos idées pour répondre à la question : un testament, est-ce laisser une trace de ce que l’on a fait ou dit tout simplement ? Est-ce plutôt dire ce que l’on voudrait qui soit fait après notre mort ? Un mélange des deux ? La réponse à votre problématique dépend de l’acception donnée à ce mot, sur lequel vous devrez passer peut-être un peu plus de temps je pense. Essayez malgré tout d’apporter différentes visions, mêmes assez opposées, comme ci-dessus, mais de garder au final une vue assez large pour justement apporter dans le devoir des réponses assez diverses ; ce sera plus riche et aussi plus facile ! (ne vous limitez pas par exemple à la simple expression de dernières volontés). Dans cette optique plus précise, reprenons vos idées et voyons comment les préciser puis les classer. Tout d’abord, vous avez listé des auteurs et des ½uvres que vous pourrez ensuite insérer au cas par cas, c’est bien, d’autant plus que vous avez choisi une palette très étendue dans les genres et dans le temps. Tirez-en aussi des arguments : Rousseau est beaucoup dans le témoignage (montrer pour la postérité ce qui doit être fait ou non avec les enfants et leur éducation ; cela peut-être un modèle ou une liste de choses à faire ou non pour les générations suivantes), Saint-Augustin est dans le même genre de démarche mais plus spirituelle, plus sur les siècles etc. Vous pourrez donc recompléter vos arguments à l’aide de ces exemples. Pour moi, vos arguments sont bons, il vous faudra bien sûr les développer et les illustrer (mais votre base d’exemples devrait vous le permettre assez facilement) car dedans vous abordez les deux thèmes majeurs : la définition du testament et le fait que cette démarche de l’écrivain soit continue. La vraie difficulté je pense est d’associer dans chaque partie ces deux aspects, sans les séparer, en les renvoyant toujours l’un vers l’autre. Si on reprend vos arguments avec le filtre « définition du testament » et le filtre « durée », on trouve assez vite trois grandes catégories d’idées :

1) l’écrivain qui écrit sur lui, sa vie, son passé, ses réflexions etc. et nécessairement, cela ne cesse jamais. L’écrivain le fait pour témoigner à la postérité (de choses à faire ou ne pas faire par exemple) et il essaie de le faire jusqu’au bout de sa vie : c’est la fonction penseur, presque philosophe de l’écrivain ; il écrit pour laisser des traces, faire réfléchir, bref il écrit pour les autres sur une expérience jamais finie tant qu’il vit. Cela remplit aussi au passage une fonction plus égocentrique, centrée sur soi, voire un peu psychologique ou psychanalytique, même si ce ne sont pas forcément les deux mots les mieux adaptés (l’idée est qu’écrire au départ pour les autres aide aussi l’écrivain soi-même, presque comme une thérapie). Vous avez plusieurs arguments et exemples sur le sujet (de Rousseau à Saint-Exupéry etc.) et vous voyez qu’ici on aborde bien en parallèle les deux thèmes principaux. Il vous reste donc surtout à développer les idées qui vont ici et les relier entre elles. Ensuite, il vous faudra organiser des sous-partie avec par exemple tout d’abord la partie témoignage pour les générations actuelles et futures, puis le besoin d’écrire comme thérapie ou retour sur soi etc. Tout ce qui porte sur le témoignage historique (à rapprocher par exemple des « Mémoires de Saint-Simon » même si ce n’est pas une autobiographie à proprement parler etc.) peut ici être abordé comme une transition vers la suite.

2) ensuite, l’écrivain est comme vous le dites un peu hors norme : il laisse quelque chose à l’Histoire, la société comme des réflexions qui portent sur la culture etc. Il est un témoin particulier qui a des enseignements à laisser. Dans le 1) on était plutôt dans la narration de faits qui s’interprètent simplement ; ici on est plus dans les écrits de réflexion, de penseurs, sur des sujets plus théoriques et moins quotidiens. Il faudra donc bien distinguer ces deux fonctions dans votre rédaction à travers ces deux parties, mais vous l’avez déjà bien fait dans le libellé et la présentation de vos différentes idées. En plus, certains écrivains peuvent n’être que dans une fonction (Rousseau est dans le 1) au début des « Confessions », le 2) ensuite pour parler simplement). Cf. Tolstoï dans ce registre comme vous le dites. Intéressante aussi l’idée de la capitalisation : il est aussi un relais des générations précédentes, dont il complète, revoit, abonde les propos. Ici, le rapport avec le temps est plutôt non pas que cela se fait tout le temps car la vie écrivain court, mais que c’est une tâche sans fin (tant de thèmes à aborder, tant d’héritage à transmettre, tant de gens différents à transmettre etc.). On est encore ici dans la première définition finalement du testament évoquée ci-dessus. Par la suite, on revient sur la dernière, la plus proche du commun des mortels, mais la plus noble et moins abordable presque venant de l’écrivain (on sera ainsi allé du plus simple au plus complexe).

3) enfin, je pense que vous pouvez faire une dernière partie sur toute la partie « héritage » (d’où transition avec l’aspect témoin historique, mais là encore, comme précédemment, on passe du fait aux idées). Le testament de sagesse de Saint-Exupéry est un très bon exemple. Comme en plus il se sent investi d’une certaine mission (d’où la nécessité de concepts), c’est comme vous le dites un « travail qui ne s’arrête jamais », avec là aussi un petit côté narcissique (pour laisser son testament littéraire par exemple : à la fois pour dire ce qu’on voudrait que devienne la littérature après soi, mais aussi qu’on ne soit pas oublier, notamment dans ses apports, voire que quelqu’un continue de faire vivre l’écrivain par une ½uvre prolongée selon ses volontés ; là encore c’est le statut de l’écrivain et sa mission, et l’idée qu’il s’en fait, qui déterminent les aspects temporels et de définition du mot « testament ».

Voilà donc pour cette analyse. En résumé, vous avez suffisamment d’exemples et idées à la base pour organiser trois parties et ensuite des sous-parties selon le modèle indiqué en 1) par exemple pour rédiger votre devoir. Comme vous le voyez, toute la matière était là ; le seul apport véritable est le questionnement du sujet et des mots-clefs qui a permis d’orienter la réflexion et de voir assez rapidement que des catégories d’arguments se dessinaient, qu’on a ensuite choisi de présenter globalement du plus simple et évident vers le plus complexe et pointu.

Sur ce, je vous souhaite bon courage, un excellent travail et une bonne continuation dans vos études.
Documents attachés :    aucun document joint.