en une : Le lexique de français

Dieu

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Par Raphael Enthoven

INTRODUISONS LA NOTION

La liste des problèmes que pose la question de « Dieu » - ou l'espèce de réponse qu'il constitue à toutes nos questions - est bien trop longue pour en dresser ici la liste. Nous nous contenterons ici de rappeler celles qui nous semblent, dans une perspective essentiellement monothéiste, les plus importantes :

Que désignons-nous en parlant de Dieu ? Un être absolu, omnipotent, bienveillant, immuable, infini ? L'origine de toutes choses ? Désigne-t-on par « divin » tout ce qui semble simplement excéder l'expérience quotidienne que nous faisons de notre finitude ? Qu'est-ce qu'un miracle ? Faut-il penser, avec Spinoza (Traité Théologico-politique, chap. VI), que « de même que cette science qui dépasse la compréhension de l'homme est appelée divine, les hommes ont l'habitude d'appeler ouvrage divin, c'est-à-dire ouvrage de Dieu, un ouvrage dont la cause est ignorée du vulgaire... » ?

Dieu est-il au-delà du monde, transcendant, souverain auteur de toutes choses, soustrait à ce que notre monde nous impose de respecter ? Dieu est-il, à l'inverse, identique au monde lui-même ? Par Dieu et nature faut-il, dés lors, entendre la même chose ? Peut-on penser la conformité de la foi et de la raison (Leibniz), ou faut-il admettre qu'elles se déploient dans des ordres résolument hétérogènes ? La foi est-elle un savoir ? Dieu peut-il faire l'objet d'une connaissance?

Peut-on prouver l'existence de Dieu ? Suffit-il d'avoir l'idée d'un être existant nécessairement au titre qu'il possède toutes les perfections (Descartes), pour que cet être existe nécessairement (Kant) ? Comment démontrer l'existence de Dieu, tout en faisant de son existence un acte de foi ? Dieu peut-il faire l'objet d'une démonstration ? d'un pari (Pascal) ? « L'existence » de Dieu n'est-elle pas avérée, d'une certaine façon, par les crimes ou les bienfaits que l'on commet en son nom ?

Comment, à l'inverse, concilier la souveraine bonté de Dieu, sa justice (Théodicée) avec ce que Spinoza appelle les « protestations de l'expérience quotidienne que sont les meurtres, les atrocités de tous ordres ?Le XX siècle, entre guerres mondiales et génocides, ne consacre-t-il pas la caducité de la notion de Dieu ?
. Qu'est-ce que la rédemption ? La « mort de Dieu » est-elle synonyme de la perte de tout repère, de toute morale ? Dans L'homme-Dieu ou le sens de la vie, Luc Ferry pose l'angoissante question : "Pendant des millénaires, le sens du sacré avait inspiré toutes les sphères de la culture humaine, de l'art à la politique, de la mythologie à l'éthique... Nos morales sans transcendance peuvent-elles compenser ce retrait du divin ?" Pourquoi, après tout, le faudrait-il ? Et, s'il le faut, comment pouvons-nous reconstruire une morale qui ne soit pas la seule reprise, l'existence de Dieu en moins, des commandements célestes ?
. Existe-t-il un athéisme radical, qui soit non pas la négation de l'existence de Dieu, mais l'affirmation première du non-sens qu'il y aurait à parler même de Dieu ? L'athéisme est-il une façon de croire encore en Dieu (un peu comme un enfant témoignerait de l'autorité de ses parents en leur désobéissant dés qu'ils sont absents) ?

Exemples de sujets :

- La croyance religieuse peut-elle s'affranchir de toute logique ?
- Foi et Savoir
- Le sentiment religieux implique-t-il la croyance en un être divin ?
- Croire, est-ce renoncer à l'usage de la raison ?
- Dieu est-il, pour le savant, une hypothèse nécessaire ou superflue ?
- Peut-on démontrer l'existence de Dieu ?

Ressources bibliographiques sur ce thème

Aristote :

- Métaphysique, Livre L 7-9 (sur l'existence d'un premier moteur, qui pourrait mouvoir, sans être mû lui-même...)

Descartes :

- Méditations métaphysiques (surtout, III, IV, et V). (Deux façons de prouver l'existence de Dieu, réponse à la question de savoir pourquoi nous commettons des erreurs, alors que Dieu ne saurait être tenu pour trompeur.)

Luc Ferry :

- L'Homme-Dieu ou le sens de la vie (Que reste-t-il de la morale, quand on ne croit plus en Dieu ?)

Feuerbach :

- L'essence du christianisme. (« ... il n'est rien dans l'essence et dans la conscience de la religion qui ne soit, en général, dans l'essence et dans la conscience que l'homme se fait de lui-même et du monde. La religion n'a pas de contenu qui lui soit propre et particulier... »)

Freud :

- L'avenir d'une illusion (caractérisation de la religion comme une psychologie projetée dans le monde extérieur)

Hume :

- Dialogues sur la Religion Naturelle (De la différence qui existe entre le théisme - on ne peut poser l'existence d'un être dont on n'a pas d'idée - et la théologie - l'existence de Dieu est une évidence, mais on ne peut connaître sa nature -, de l'anthropomorphisme qui est à l'oeuvre dans l'interprétation - religieuse - du monde en termes de finalité... C'est par analogie avec nous-même que l'on pose l'existence d'un être intelligent et bon au principe de toutes choses.)

. Kant :

- Critique de la Raison Pure, Dialectique transcendantale (déconstruction de l'illusion théologique qui prétend prouver, sans le recours à l'expérience, et hors des limites qui sont les siennes, l'existence d'un être lui-même situé hors de l'expérience.)
- La Religion dans les Limites de la simple raison. (Du mal radical, à la distinction entre vrai et faux culte)

Leibniz :

- Essais de Théodicée (D'un monde qui est le « meilleur des mondes possibles », sur la justice divine, tentative fameuse de concilier la bonté de Dieu et les atrocités de notre monde...). Voir aussi, sur le même thème entre autres, le Discours de la Conformité de la Foi et de la Raison.
- Monadologie § 37-48 : Dieu, les preuves de son existence, sa nature. (Voir, sur ce texte, l'excellent commentaire qu'en fait J. Rivelaygue dans ses Leçons de Métaphysique Allemande, Tome I, coll. Collège de philosophie, Grasset)

Nietzsche :

- Il serait fastidieux d'énumérer tous les paragraphes qui traitent, dans le Gai Savoir, mais aussi dans Par-delà Bien et Mal, dans la Généalogie de la Morale (etc.) de la question de Dieu. Le mieux est encore de faire son choix, et de se souvenir que Dieu est tenu, par Nietzsche, pour une illusion dont la « mort » désigne principalement l'illégitimité des valeurs transcendantes à régenter le réel. À ce sujet, je vous suggère de regarder dans ce que l'on a apppelé, faute d'un titre de Nietzsche lui-même, « La Volonté de Puissance », Tome II, livre III - coll. TEL Gall. - : chap. « Le nihilisme vaincu par lui-même ».

Pascal :

Pensées : Pourquoi nous devons parier sur l'existence de Dieu, et ce que signifie un tel pari...

Spinoza :

- Éthique, I, Appendice (Critique d'un Dieu conçu sur le modèle humain, généalogie des illusions qui nous portent à tenir ce monde pour ordonné selon une fin...)
- Traité Théologico-politique, chap. VI (la question dun miracle, à opposer à ce que Leibniz en dit dans sa Théodicée)