en une : Le raisonnement par récurrence

Etat et société (suite)

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SUITE DU COURS

Pour être légitime, le pouvoir de l'Etat ne doit pas être absolu. Il doit être limité. Mais limité par quoi et limité comment ? Avec cette question, c'est le problème de l'organisation concrète du pouvoir de l'Etat sur la société qui est posé, le problème des formes de gouvernement. Comment faire pour que l'Etat, qui doit garantir la liberté individuelle, ne se transforme pas en facteur de domination ?
Montesquieu fournit un premier élément de réponse : si tout homme qui a du pouvoir tend à en abuser, il suffira de ne pas confier tout le pouvoir à un seul homme ou à un seul groupe. Autrement dit de dépersonnaliser les pouvoirs, de les séparer, d'instaurer des systèmes de contre-pouvoir.

C'est le cas en France où le Parlement contrôle en partie le gouvernement, les magistrats sont indépendants du pouvoir politique. Mais la multiplication des instances et des procédures de pouvoir présente également des inconvénients, comme celui de diluer la responsabilité des dirigeants. En cas de disfonctionnement de l'administration, ou même de délits ou de crimes, ils peuvent dire : ah mais je ne savais pas, on ne m'avait pas dit, ce n'est pas moi qui m'occupait de cet aspect des choses etc. En gros, je m'en lave les mains. Faudra-t-il alors créer des contrôleurs de contrôleurs chargés de surveiller les procédures ?

On peut penser qu'en l'occurrence, c'est davantage à la société d'être attentive aux possibles dérives de la machine étatique, et que la démocratie précisément sert à empêcher que l'Etat ne fonctionne en vase clos. Mais le XX° siècle a montré que sous des dehors constitutionnels et légaux, et avec le soutien de la population, le totalitarisme pouvait toujours s'instaurer (voire le clip sur la démocratie).
La démocratie n'est donc pas le remède magique à tous les maux. Paradoxalement, ce qui la menace autant que le pouvoir de l'Etat c'est le pouvoir social, le repli de la société sur elle-même, qui s'accroît à mesure que l'Etat devient un Etat d'assistance. Pris en charge, soucieux de leur égalité et de leur confort, les individus deviennent conformistes, s'endorment, oublient leur liberté. C'est comme ça que Tocqueville décrit l'état social démocratique qui se développe à l'ombre d'un Etat tutélaire, tout puissant. Il rappelle ainsi que la démocratie n'est jamais qu'un acquis fragile, et que la douceur apparente de l'Etat n'est pas forcément synonyme de plus grande liberté pour les citoyens. Si la tension perdure entre la société et l'Etat, et si les citoyens continuent à descendre dans la rue, ce n'est donc pas forcément mauvais signe. Il faut plutôt y voir la condition pour que ni l'Etat ni la société ne se sclérosent et ne risquent de devenir les lieux d'un pouvoir illégitime.

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

- Aristote, La Politique, I, 2, Vrin.
- Kant, Idée d'une histoire universelle, IV, Garnier Flammarion.
- Hobbes, Léviathan, XVI, Sirey.
- Rousseau, Du Contrat Social, Garnier Flammarion.
- Hegel, Principes de la Philosophie du Droit, § 261, Gallimard.
- Montesquieu, De l'Esprit des lois, tome 1, Garnier Flammarion.
- Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, tome II, Garnier Flammarion.