en une : Sujet : causes de la crise de 1929

Suite de histoire tragique ? vite vite !!

Philosophie > sujets expliqués - Question simple
                
"L'histoire est-elle tragique ?"

En quel sens faut-il entendre "tragique" ? Est-ce au sens usuel d'un drame, d'une tragédie, telle qu'il en arrive tous les jours ? Si tel est le cas, comment peut-on oser poser une telle question, alors que l'histoire fourmille de "tragédies" ?
À dire vrai, vous devez entendre, par "tragique", ce qui ne saurait trouver une issue, ce que l'on ne peut penser comme étant le préalable à un état préférable. Est tragique ce qui est, en somme, irréductiblement tragique. Songez, à l'inverse, à la théodicée leibnizienne, ou à la Raison dans l'Histoire (Hegel) : chaque événement est inclus dans le calcul du meilleur des mondes possibles (pour Leibniz), dans la réalisation dialectique de la raison dans l'histoire (pour Hegel)... Autrement dit, quel que soit le drame, l'événement "tragique" auquel nous avons affaire, son "tragique" est dissous dans la place qu'il doit occuper dans un système où tout est pensé comme nécessaire. Un événement est-il encore tragique si, au titre qu'il existe, on le tient pour nécessaire à la réalisation de la raison dans l'histoire ?
Pour dire de l'histoire qu'elle est tragique, il faut se refuser à tenir les événements dont elle est composée pour ordonnés par un sens, une destination.
Voyez également Machiavel : l’histoire n’a pas de sens, elle est le théâtre de passions qui se répètent sous de multiples travestissements : (avant-propos des Discours) « En réfléchissant sur la marche des choses humaines, j’estime que tout le monde demeure dans le même état où il a toujours été de tout temps ; qu’il y a toujours la même somme de bien et la même somme de mal ; mais que ce mal et ce bien ne font que parcourir les divers lieux, les diverses contrées. » De fait, la nostalgie est vaine : « Les hommes se trompent lorsqu’ils décident lequel vaut mieux du présent ou du passé, attendu qu’ils n‘en ont pas une connaissance aussi parfaite de l’un que de l’autre... Il n’est jamais raisonnable de blâmer le présent, louer le passé, ou dsirer l’avenir. ». C’est, me semble-t-il, ce qu’il faut entendre par histoire tragique. = Une définition de l’histoire qui se refuse à faire d’un drame la condition d’un bien à venir. L’histoire est tragique quand on refuse de l’envisager dans une linéarité dialectique, où le mal engendre le bien, comme un contraire engendre son opposé. L’histoire est tenue pour tragique par ceux qui en envisagent les moments indépendamment les uns des autres. L’histoire est tragique dans la mesure où elle ne laisse augurer aucune réconciliation des instants qui la composent.
Ce n'est donc pas seulement en ce qu'elle est faite de tragédies que l'histoire est "tragique", c'est en que les tragédies qui la composent ne sauraient être considérées comme les moments d'une réalisation dialectique (mobilisant ses contraires) du meilleur des mondes possibles... L'histoire est tragique en ce qu'elle est insensée. (en ce qu'un mal n'engendre pas forcément un bien...)
Le tragique ne me semble pas exiger en premier lieu la question du déterminisme. Au contraire, si l’on tient pour nécessaire ce qui arrive, alors (Hegel) c’est en vertu d’un refus du tragique, de l’hypothèse d’une réconciliation ultime, d’une « fin de l’histoire ». Le tragique réside davantage dans le fait de tenir ce qui arrive pour absurde. Ce n’est pas parce que nous souffrons maintenant, que nous irons mieux plus tard...

Méthodologiquement, par ailleurs, je vous déconseille de faire une partie « oui », et une partie « non » : Vous ne devz pas dire une chose et son contraire. Soyez plus habile. Pour que l’histoire soit tragique, il faut, peut-être s’en tenir à un regard singulier sur le monde... (de mon point de vue, ce qui arrive est insensé, donc tragique, je ne lui trouve aucune excuse, aucune explication, aucune justification)... tandis qu’un regard « panoptique » (embrassant tous les événements de l’histoire, un regard tel que Dieu seul peut le porter sur le monde) aurait dissoudre à dissoudre le tragique en en faisant le moment d’une histoire tendant à la réalisation du meilleur des mondes. Pour que l’histoire ne soit pas tragique, il faut que le regard qu’on porte sur le monde, ou bien la confiance que nous avons dans le règne divin, nous fasse dire que « voir le mal, c’est mal voir », ce qui me semble tragique ne l’est pas si je m’élève au monde lui-même en postulant que les drames de ce monde sont voulus par une divinité bienveillante...

Ce serait peut-être alors l’occasion, ultimement, de redéfinir le tragique en n’y voyant non plus ce qui est insensé, mais la volonté-même de ne pas voir que notre monde est insensé... Le tragique ne réside-t-il pas, en dernier lieu, dans la volonté d’abolir le tragique au profit de la Raison dans l’histoire ? Le tragique n’est-il pas, enfin, dans le discours de celui qui s’interdit de penser le tragique, qui ne supporte pas que les choses soient tragiques ? (que penser d’un homme qui continue, après les génocides de ce siècle, de dire que l’histoire a un sens ? N’est-ce pas finalement cela qui est tragique ?)

Références éventuelles : Hegel : La raison dans l'histoire.
Nietzsche (sur le tragique comme ce qui ne saurait trouver de réconciliation, voyez le début du Crépuscule des Idoles, mais également résumé qui est fait de la pensée nietzschéenne dans Homo Aestheticus - Luc Ferry -).
Songez enfin à Macbeth (je le cite de mémoire) : "Life is a story told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing..."

Bien à vous, bon courage.
"
Documents attachés :    aucun document joint.