en une : Le raisonnement par récurrence

Gargantua rabelais

Italien > sujets expliqués - 13/10/2007 - correction
                
Bonjour,

Je vous propose dans ce cas de procéder question par question en repartant à chaque fois que cela est possible de ce que vous avez fait.

1) Les titres :
- pour Gargantua : on trouve aussi « très horrifique » à la place de « inestimable » ; notion de « géant » effectivement et même de démesure : « horrifique » tient à la fois de la grandeur et de l’horrible ; on voit donc que l’on va découvrir des aventures certes impressionnantes et passionnantes au-delà de ce à quoi l’on peut s’attendre, mais en même temps le livre peut nous réserver quelques surprises moins plaisantes : la grandeur peut ici conduire à la démesure et à ses excès (de type destruction). Sinon, vous avez tout à fait raison pour le reste, j’insiste donc simplement sur cette impression de « double tranchant » apporté par le contexte des géants : rien n’est blanc, rien n’est noir. Il y a l’histoire, les apparences, ce qu’en dit l’auteur et surtout ce que devra en tirer le lecteur comme réflexion.
- pour Pantagruel : très bons éléments de réponse, là aussi c’est effectivement le contraste qui interpelle le lecteur dès la lecture du titre ; à nouveau, en synthèse, je retiendrai cette idée : un contraste qui montre que rien n’est simple et qu’en toute occasion, le lecteur doit se forger un avis personnel sur chaque chose ; sous l’apparence d’une lecture pleine de plaisir, de nombreux thèmes, parfois dérangeants ou à contre-courant, vont être abordés.
- sur le genre des deux ouvrages : exact pour le roman de chevalerie et l’héritage de ce type de romans, donc encore une fois nous sommes dans la parodie instructive et le message subliminal au lecteur : allez au-delà des apparences de mon roman, je veux vous dire des choses, vous faire réfléchir et la satire des romans de chevalerie dans la forme et le fond, telle qu’annoncée par les titres, est le premier et le plus visible des indices. Vos éléments de réponse sont donc tout à fait juste ; vous voyez que par de simples titres, et avant même toute préface, Rabelais nous dit en quelques mots comment lire et appréhender son ½uvre, ce que l’on va y trouver : une réflexion sur des thèmes humanistes.

2) Projets exposés dans les prologues :
- tout d’abord reprise des idées du titre : idée de faire réfléchir ;
- ensuite, comme vous le soulignez, implication du lecteur (compatissant, intéressé, ouvert, bref le bon lecteur selon Rabelais), il signe un pacte de lecture : que le lecteur soit prêt à tout entendre accueillir cette ½uvre comme le veut son auteur, et alors de nombreuses voies vont s’ouvrir à lui ; le projet des prologues est un projet de lecture, un pacte littéraire et de réflexion entre les différentes parties. La notion de projet est renforcée par le fait qu’il y ait plusieurs ouvrages, dans lesquelles les mêmes idées reviennent, et ce dès le prologue ;
- la forme est révélatrice : aller au-delà des apparences premières, et notamment des sortes de vieux parchemins de vieux fous, incompréhensibles et en tirer justement la « substantifique moelle » et en même temps ne pas trop se prendre au sérieux (« la dive bouteille ») : ce serait avoir l’attitude dénoncée par Rabelais via certains de ces personnages ; il fait donc être dans la mesure, trouver là le juste milieu. Vous avez bien retranscrit déjà l’essentiel de cette idée dans le début de votre réponse. Vous avez donc saisi l’essentiel : la pacte de lecture = définition de l’attitude du lecteur + façon de lire l’½uvre.

3) Les registres :
- le registre réaliste : premier exemple : OK ; deuxième exemple : un peu moins net je pense, rappelez-vous que c’est quand même un prêtre en furie qui est en train, seul, d’égorger toute une armée ; si vous voulez conserver un exemple de guerre, ce qui est une bonne idée car c’est un thème majeur de l’½uvre, optez plutôt pour le passage de l’attaque du château fort (quand le pont-levis, avec par exemple les boulets de canon … avant toutefois l’arrivée de ceux-ci dans les cheveux du géant comme des poux ! mais la limite entre réel et irréel comme vous le voyez est souvent ténue ici et on passe rapidement de l’un à l’autre) ; troisième exemple : oui, en prenant donc bien le début, description réaliste et avant les passages plus utopiques (vous avez aussi des exemples dans les passages sur l’éducation).
- le registre fantastique : premier exemple : exact, bon exemple que l’accouchement ; deuxième exemple : oui aussi ; troisième : je propose le déboisement de la forêt avec l’épisode de la jument, c’est particulièrement fantastique.
- déduction : les deux registres se mêlent allègrement, dans un même épisode on passe de l’un à l’autre rapidement, subrepticement, sans toujours pouvoir distinguer les deux. Les deux se mélangent dans l’½uvre pour en faire une ½uvre agréable à lire, qui retienne le lecteur, tout en faisant remarquer par le rire certaines traits de la société. Cela permet de faire rire sur des choses pourtant en fait bien réelles et cela fait réfléchir le lecteur : ce qui vous paraît gros et irréel est en fait d’une certaine façon bien réelle. Que le lecteur rie d’abord donc, et qu’ensuite il se demande si tout cela n’est pas réel. L’usage des deux registres est donc l’un des moyens majeurs pour l’auteur de mettre en ½uvre le pacte de lecture annoncé au début : apprendre des choses au lecteur sans quand même trop se prendre au sérieux.

4) Eléments comiques :
- comique de geste : l’épisode de la guerre dans « Gargantua », notamment les ½uvres de Frère Jean (quand il prend sa croix etc.), idem pour Pantagruel : voyez dans les épisodes guerriers pour y prendre quelques exemples ;
- comique de mots : l’épisode des besoins du petit Gargantua que vous avez commencé à évoquer dans un exemple précédent ; voyez de même dans l’enfance de Pantagruel ses discours et réactions ;
- comique de caricature : l’exemple de Picrochole roi déchu et celui de Ponocrates le précepteur ; Panurge dans « Pantagruel » ;
- comique de situation : Bragmardo venant réclamer les cloches de Notre-Dame ; le planteur de choux sous la langue du géant ; les prouesses intellectuelles du géant également.

5) Le programme éducatif : basé sur les « humanités » : connaissance approfondie du latin et du grec (des langues anciennes en général d’ailleurs) et de leurs auteurs (théories et passages appris par c½ur) ; connaissance des arts principaux de l’époque : musique, astronomie (ancêtre de la physique), calcul, littérature etc. Un programme basé donc sur l’assimilation de toutes les connaissances du moment (grande culture générale) : on remplit la tête, on est plus dans la connaissance que dans la méthode. Mais parallèlement, l’activité physique a une grande place (voir tous les exercices pratiqués par Gargantua, ainsi que l’attention apportée au corps et à la santé). Beaucoup de connaissances, un équilibre entre physique et intellectuel, dans la variété des thèmes, et beaucoup, beaucoup de choses … le temps est complètement occupé : on est parfois plus dans la quantité que dans la qualité. Mais ce que défend Rabelais c’est un équilibre entre physique et intellectuel, une grande diversité des thèmes et surtout après ces bases, la confrontation au réel (les jeunes nobles qui font la guerre, apprennent à gérer un domaine etc.). Il faut une éducation théorique solide pour ensuite aller confronter cela à la « vraie vie » et devenir ainsi un homme.

6) Diversité des genres narratifs :
- pour ne pas lasser le public, les différents volumes étant chacun très volumineux ;
- pour brouiller les pistes, l’½uvre étant au début anonyme et l’auteur ne voulant pas être démasqué ;
- pour avoir plusieurs ressorts pour faire passer son message, la répétition sous des formes un peu différentes étant le meilleur moyen d’atteindre son but ;
- pour atteindre tous les publics possibles, selon les sensibilités de chacun ;
- pour mêler les genres réels et irréels et atteindre son but (reprise des explications précédentes, qui sont l’un des points majeurs de l’½uvre, c’est pour cela qu’on vous le fait voir sous différents angles).
Traitement :
- mélange des genres, brouillage des pistes ;
- abandon des frontières classiques, reprise à la « sauce » Rabelais, prise en main et adaptation des règles des genres ;
- tout est transformé pour remplir le projet de l’auteur : le traitement est très personnel, et aussi nouveau pour l’époque.

7) Critique de la société :
- basée sur des règles qui n’ont plus toujours lieu d’être (héritées du Moyen-Age comme la chevalerie, la religion etc.) ;
- qui a évolué trop vite parfois et dans un autre excès (dérives de l’éducation par exemple) ;
- qui confond guerre et politique et ne sait pas mener la gestion d’un royaume correctement ;
- on est donc dans une société qui n’est pas dans la mesure et qui ne se remet pas en cause, en réfléchissant à ses principaux problèmes et tentant de les résoudre par dialogue et bon sens.
Thèmes de prédilection :
- l’éducation (humaniste) ;
- la guerre (l’art de gouverner en fait) ;
- la religion ;
- la connaissance et le progrès ;
- la place de l’homme dans le monde (au centre du monde) ;
- bonheur, liberté (d’action et de pensée) et épanouissement personnel (dans la lignée de « l’homme est au centre du monde »).

En espérant vous avoir éclairé avec ces éléments et en vous renvoyant à votre lecture de l’½uvre pour les compléter par des exemples précis et concrets, je vous souhaite de bonnes révisions et bon courage pour votre devoir à venir.
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