Autrui

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Par Raphael Enthoven

INTRODUISONS LA NOTION

Je vis avec autrui. Il est, de tous les "objets" qui environnent le sujet que je suis, le seul en qui je présume une conscience comme la mienne. Le connaître est, à ce titre, aussi impérieux qu'impossible. Comment, en effet, connaître celui qui n'est pas moi ? Comment accéder à l'intelligence d'un ordre de raisons que je présume en l'autre, et dont je ne peux me dire qu'il est le mien ? dont le comportement dont je suis spectateur ne cesse de m'indiquer combien il m'est hétérogène ? Si connaître passe par la constitution de l'autre en objet pour ma conscience, comment puis-je connaître celui qui, sujet, échappe toujours à une objectivation radicale de ma part ?

Comment connaître ce que je ne peux réduire à l'état d'objet pour une conscience ? Entreprendre de connaître autrui, n'est-ce pas, à ce titre, s'exposer à méconnaître ce qui, en autrui, le distingue de moi ? Et, à l'inverse, se faire attentif à cette altérité est-il seulement possible ? Comment puis-je être ouvert à l'altérité d'autrui, si la connaissance passe par l'activité au sein de laquelle ma conscience assigne un sens, une signification, aux objets qui m'environnent ?

Comment concilier l'altérité d'autrui, et l'impérieuse, la vitale, nécessité dans laquelle je me trouve de connaître autrui ?

BIBLIOGRAPHIE CONSEILLÉE

Descartes :

- Seconde Méditation métaphysique (sur la connaissance de l'autre par analogie avec moi-même)
- Lettre au Marquis de Newcastle du 23 novembre 1646. (à quoi reconnait-on la présence de la pensée dans un corps ? )

Husserl :

- Méditations cartésiennes, V, § 50. (en quoi le corps cesse d'être un obstacle à la perception d'autrui comme une autre conscience)

Merleau-Ponty :

- Phénoménologie de la perception chapitre IV, « Autrui et le monde humain » (le « montage primordial » corps-conscience comme solution au problème posé par l'expérience que nous faisons de l'altérité)

Girard :

- Mensonge romantique et vérité romanesque (Le triangle du désir : comment mon désir se porte vers l'objet que désire autrui)

Rousseau :

- Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (sur la découverte d'autrui comme ce qui contrarie mon désir immédiat, et instaure l'ordre d'une sociabilité où les hommes sont liés par ce qui les oppose - leur désir -)
- Émile ou de l'éducation - principalement livre IV - ( sur le problème de la pitié comme fondement de l'action morale, et sur la différence essentielle établie par Rousseau entre l'amour-propre et l'amour de soi, dont la pitié n'est que le prolongement)

Hobbes :

- Léviathan - principalement Livre I - (la défiance naturelle de l'un à l'égard de l'autre comme fondant l'état de guerre de chacun contre tous, auquel seul l'instauration d'un pouvoir commun est susceptible de mettre un terme)

Lévinas :

- Humanisme de l'autre homme (Importance du concept de responsabilité pour autrui).