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Etude de txt - "a quoi sert l'utilité ?"

Philosophie > sujets expliqués - 22/12/2008 - correction
                
Bonjour !
Voici le texte que j'ai à étudier :

"A quoi sert l'utilité ?"

Les outils de l'homo faber, qui ont donné lieu à l'expérience la plus fondamentale de l'instrumentalité, déterminent toute ½uvre, toute fabrication. C'est ici que la fin justifie les moyens ; mieux encore, elle les produit et les organise. La fin justifie la violence faite à la nature pour obtenir le matériau, le bois justifie le massacre de l'arbre, la table justifie la destruction du bois. [...]
Les mêmes normes de moyens et de fin s’appliquent au produit. Bien qu’il soit une fin pour les moyens par lesquels on l’a produit, et la fin du processus de fabrication, il ne devient jamais, pour ainsi dire, une fin en soi, du moins tant qu’il demeure objet à utiliser. La chaise, qui est la fin de l’ouvrage de menuiserie, ne peut prouver son utilité qu’en devenant un moyen, soit comme objet que sa durabilité permet d’employer comme moyen de vie confortable, soit comme moyen d’échange. L’inconvénient de la norme d’utilité inhérente à toute activité de fabrication est que le rapport entre les moyens et la fin sur lequel elle repose ressemble fort à une chaîne dont chaque fin peut servir de moyen dans un autre contexte. Autrement dit, dans un monde strictement utilitaire, toutes les fins seront de courte durée et se transformeront en vue de nouvelles fins.
Ainsi l’idéal utilitaire […] défie qu’on l’interroge sur sa propre utilité. Il n’y a évidemment pas de réponse à la question que Lessing posait aux philosophes utilitaristes de son temps : « Et à quoi sert l’utilité ? ».
- Hannah Arendt, Condition de l'Homme Moderne.

J'ai mis mon travail en pièce jointe, mais au cas où le fichier ne fonctionnerait pas (ne sait-on jamais...), voici un copier-coller :
« A quoi sert l’utilité ? » - Etude d’un texte de Hannah Arendt

L’extrait que nous allons étudier, tiré de La Condition de l’Homme Moderne de Hannah Arendt en 1958, traite de la technique et de son influence sur le monde, plus précisément de la façon dont l’Homme moderne consomme. Selon Arendt, les créations humaines ont perdu de leur valeur au profit d’une certaine logique utilitaire. Tout en suivant l’ordre chronologique du texte, nous allons dans un premier temps définir ce que l’on appelle l’ homo faber et en expliquer ses fonctionnements, puis nous analyserons en quoi ce concept a progressivement transformé le rapport de l’Homme avec le travail et surtout avec le résultat de son travail. Enfin, nous mettrons en évidence l’aspect plutôt terre-à-terre de cette façon de vivre, de travailler et de consommer.

L’homo faber correspond à la dimension technicienne de l’Homme, on l’oppose généralement à sa condition de travailleur (animal laborans). En fait, derrière cette vision de l’Homme aussi ancienne que moderne, on fait référence à tout ce qui est machines et outils, inventés et créés par l’Homme, qui vont lui faciliter son travail et/ou sa vie quotidienne. Cette particularité spécifique à l’être humain va être synonyme d’un certain processus de production applicable à toutes les ½uvres, à toutes les fabrications : des moyens (l’ensemble des dispositifs mis en place) en vue d’arriver à une certaine fin (le but fixé, l’objectif à atteindre). Arendt, en faisant référence à l’adage « la fin justifie les moyens », explique ce processus de production en se basant sur la création d’une table. Tout d’abord, il faut couper des arbres : on a alors le matériau. Ensuite, il faut travailler ces arbres afin d’obtenir le bois nécessaire à la fabrication. Enfin, le bois va être à son tour détruit pour former une table. En fait, derrière cet exemple compréhensible de tous, Arendt met en avant le principal problème de cette façon d’agir : la « destruction créatrice » c'est-à-dire qu’on va devoir détruire bon nombre de matériaux afin d’arriver à une certaine fin (« violence faite à la nature », « massacre de l’arbre »). C’est toute la nature qui se retrouve asservie par l’Homme pour son propre bien-être. Plus généralement, c’est la domination de l’Homme sur tout ce qui l’entoure et le refus de considération de son environnement. De plus, ce problème-ci va bien au-delà du processus de fabrication puisqu’il va s’étendre jusqu’au processus de consommation et de commercialisation.

Effectivement, cette distinction moyens/fin se retrouve dans le produit lui-même. Ce dernier est certes le résultat des nombreux travaux qui ont lieu (destruction, travail de la matière, …) et la fin du processus de production, mais il est aussi et surtout destiné à être consommé, à être utilisé. Hannah Arendt donne cette fois-ci l’exemple d’une chaise : celle-ci est la fin d’un travail de menuiserie. Pourtant, elle n’est pas une fin en soi, c'est-à-dire qu’elle va être utilisée par l’Homme. En fait, elle va à son tour devenir un moyen, non plus dans le processus de production mais dans le processus de consommation et de commercialisation ! Moyen, pourquoi ? Pour atteindre une fin particulière : soit une façon de vivre améliorée, un certain confort que cet objet apporte soit elle va pouvoir être échangée, sous-entendu commercialisée. Les processus de consommation et de commercialisation suivant les mêmes normes que le processus de fabrication, on se retrouve alors avec une chaîne, c'est-à-dire que comme le dit Arendt « chaque fin peut servir de moyen dans un autre contexte ». Plus rien ne s’étend dans la durée, plus rien n’a de réelle valeur puisque tout se doit d’être utilisable immédiatement. On se retrouve alors avec un monde qui ne prend plus en compte le travail, l’effort réalisé par l’individu et dans lequel l’Homme considère n’importe quelle fabrication, n’importe quelle ½uvre comme un vulgaire objet de consommation. C’est ce qu’Arendt entend critiquer : la logique de l’utilité a totalement désinhibé les créations humaines de leur valeur.

Enfin, la critique d’Hannah Arendt va encore plus loin car elle met en évidence le paradoxe lié à cette logique utilitaire. Les fabrications humaines perdent de leur valeur à cause d’une logique qui au final n’est pas très… utile. En effet, à quoi bon cette logique ? A-t-elle un réel but ? En définitive : à quoi sert l’utilité ? Selon Arendt, « il n’y a évidemment pas de réponse ». Tout ce que touche l’Homme se retrouve soit détruit dans le processus de fabrication, soit consommé ou commercialisé dans les processus de consommation et de commercialisation. Dans un sens, les objets sont également détruits lors de ces deux processus puisqu’ils perdent toute leur valeur. Tout est parfaitement utilisable, tout est donc parfaitement dévalorisé et oubliable. L’Homme ne se réalise pas, n’évolue pas à travers l’utilisation de ces objets de consommation. Il n’y a donc pas de réelle utilité au niveau de l’Humanité.

Hannah Arendt critique donc la logique de l’utilité qui est un des fondements de la société de consommation. En la définissant comme une chaîne infinie où la distinction moyens/fin du processus de production s’est vue totalement brouillée par les processus de consommation et de commercialisation, elle dénonce la perte de valeurs pour le travail et l’effort de l’individu dont est victime le monde actuel. Cependant, il manque à sa thèse une précision plutôt importante. En effet, toutes les créations humaines ne sont pas forcément utilisables immédiatement, certaines marquent l’Histoire tout comme l’Humanité. C’est ce que Platon appelle la « vraie utilité », celle qui permet de réaliser l’intelligence de l’Homme et qui permet une évolution et non une régression. C’est la « fausse utilité » dont parle Arendt, celle qui est en apparence utile, celle qui est en fait directement utilisable. Une distinction entre ces deux formes d’utilité est nécessaire afin de ne pas rejeter en bloc toutes les innovations, toutes les ½uvres qu’a pu, que peut créer ou que créera l’Homme.

- Matthieu CASANOVA, TES1

J'ai trouvé ce texte particulièrement dur à appréhender, mais je pense avoir compris le sens global. A titre indicatif, combien m'auriez-vous mis, si je le rendais comme tel ?
Merci en tout cas de le corriger, notamment la dernière partie ("à quoi sert l'utilité ?").

Bonne journée et bon courage !!
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