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Etude de txt - "a quoi sert l'utilité ?"

Philosophie > sujets expliqués - 22/12/2008 - correction
                
Je joins ma réponse en fichier word, car elle est assez longue. Si vous ne pouvez pas l'ouvrir, je fait néanmoins un copier-coller ci-dessous :

Bonjour Matthieu,
Le travail que vous m'avez transmis est de bonne qualité : vous avez parfaitement compris la thèse du texte et votre expression est fluide et précise. Vous me demandez une note approximative. Je ne connais pas les attentes de votre professeur de philosophie ni le barème de notation en terminale S : attend-t-on de vous une « simple » explication de texte ou faut-il aussi que vous le discutiez. Comme vous avez bien compris le texte, je pense que vous êtes capable de le faire et ainsi de montrer votre réflexion critique. En effet, vous n’avez pas fait de contresens (à mon avis) quant au texte d'Hannah Arendt et vous vous montrez plutôt convainquant dans votre démonstration, la qualité de votre expression aidant : je pense donc que ce travail mérite une note correcte, sinon bonne (14 ou 15 peut-être). Vous avez eu raison également d’insister sur la dérive de la commercialisation, qui est un aspect important de la théorie d’Hannah Arendt.

Cependant, je peux vous adresser quelques conseils et indications pour vous améliorer.
1) Le principal défaut de votre devoir, à mon avis, est le manque de références philosophiques (la encore, je ne connais pas les exigences de votre professeur, qui peut-être s'attend seulement à une explication linéaire et littérale du texte, ce que vous faites très bien). On voit pourtant dans la conclusion (qui est d'ailleurs très bonne, la référence à Platon pouvant être encore un peu plus développée) que vous possédez une certaine connaissance des auteurs philosophiques classiques. C'est pourquoi je vous encourage (à moins que votre professeur le déconseille) d'étoffer votre réflexion sur le texte d'Hannah Arendt par des références philosophiques précises. Sur un texte traitant de l'utilité, on s'attend par exemple à une référence (inévitable à mon avis) à Kant. Vous avez bien vous la référence au dicton populaire « la fin justifie les moyens » mais, dans ce texte, Hannah Arendt y fait également implicitement des références philosophique, comme dans l'expression "une fin en soi" : l'expression est de Kant. Si vous ne connaissez pas la thèse de Kant quant à l’utilité, je peux vous la résumer en quelques lignes : Ce dernier, dans les Fondements de la métaphysique de m½urs, explique que l’homme, en vertu de l’impératif catégorique, ne doit jamais prendre l’homme comme un moyen mais toujours comme une fin (« L’homme, en tant qu’être raisonnable, est fin en soi : il possède une valeur absolue et ne doit pas être traité comme moyen »). La moralité, selon Kant, pose donc bel est bien une limite à l’utilitarisme : celui-ci se limite aux choses. Vous pouvez donc creusez cette référence pour votre devoir. Il est également question de Lessing dans votre texte : même si cette référence est moins importante que celle de Kant, votre professeur s’attend peut être à ce que vous l’explicitiez. Enfin, l’expression « homo faber » peut faire penser à Marx, qui utilise beaucoup ce terme. Or ce dernier est peut-être intéressant à citez dans votre devoir car sa thèse n’est pas très éloigné de celle d’Hannah Arendt : pour lui, c’est en effet la mécanisation du travail qui a déshumanisé l’homme en devenant un simple moyen, un simple instrument de survie
2) Les autres remarques que j’aurais à vous faire sont de moindre importance. Il faudrait revoir l’expression « l’aspect plutôt terre-à-terre » que vous employez dans votre introduction et qui me semble inappropriée. Je peux vous proposer : « aspect déshumanisant ». Pour la correction proprement dite de votre devoir, je procéderais suivant l’ordre de vos parties.
Partie I : il est important de commencer par définir les termes importants du sujet, comme vous le faites avec « homo faber ». Il serait judicieux à ce moment du travail d’évoquer la thèse très voisine de Marx concernant l’aliénation du travail par la mécanisation, comme je vous l’ai indiqué. La mécanisation du travail se présente en effet comme l’antithèse de l’homo faber idéal de Marx. Dans cette partie, vous pouvez aussi évoquer la fameuse formule de Descartes « se rendre comme maître et possesseur de la Nature » : c’est bien de cela qu’il s’agit dans votre texte. Il faudrait dans cette partie également préciser le lien cyclique entre Nature, Science et Technique : la compréhension et la connaissance du fonctionnement de la nature a permis d’élaborer la science, laquelle a produit la technique : celle-ci agit en retour sur la nature, en la modifiant ou en la copiant (c’est la fabrication des machines) et facilite ainsi la vie de l’homme. La technique a cependant des incidents dramatiques sur la nature (déforestation etc).
Partie II : Vous reprenez l’exemple de la chaise mais vous n’êtes pas assez concret dans votre démonstration. Lorsque Anna Arendt écrit que la chaise n’est pas une fin en soi, cela signifie que la fabrication de la chaise ne vise pas la chaise en tant que telle (ou bien alors c’est une chaise considérée comme ½uvre d’art) : pour le menuisier, la chaise est le moyen, l’instrument d’une rémunération, pour l’acheteur, c’est le moyen (s’asseoir) de nombreuses activités. C’est ici que vous pouvez faire référence à Kant et poser une limite à cet utilitarisme qu’Hannah Arendt pose comme infini : il ne concerne que les objets. Vous pouvez dans cette partie faire la distinction entre objet artisanal (qui ne possède pas de fin en soi : l’objet est utile à une autre activité) et objet d’art (caractérisé par sa fin en soi : le but de l’artiste c’est bien l’½uvre en tant que telle). Sur cette distinction, vous pouvez lire des passages du Système des Beaux-Arts d’Alain. En fin de partie, vous pouvez signaler que cette distinction a de moins en moins de valeur aujourd’hui, puisque même les objets d’art font l’objet d’une production et d ‘une reproduction en série, d’une commercialisation. Hannah Arendt développe plus particulièrement ce point dans La crise de la culture. De la même façon, la distinction kantienne entre homme et objet est également floue : le chauffeur de bus, par exemple, est bien le moyen par lequel les autres personnes arrivent à destination (dans sa fonction de chauffeur de bus, il n’est pas alors considérer comme fin en soi). Il est important d’insister dans cette partie sur la notion de « valeur », comme vous le faites assez bien.
Partie III : Un terme est attendu dans cette dernière partie, que vous ne mentionnez pas : celui d’absurdité. L’utilitarisme poussé à son paroxysme conduit à l’absurdité d’un monde où plus rien n’a de valeur. Il s’agit bien d’aliénation (vocabulaire de Marx). Dans cette dernière partie, vous pouvez aussi revenir sur le titre du texte d’Hannah Arendt « à quoi sert l’utilité » qui montre bien l’absurdité d’un monde où règne l’utilitarisme. Vous pouvez terminer par un jeu de mot sur le verbe « servir » : l’utilité, appliquée partout, n’a servi à rien mais elle a asservi l’homme.

J’espère avoir pu vous aider pour votre devoir. Ne vous noyez pas dans les références philosophiques que je vous ai indiqué si vous ne les maîtrisez pas : elles obscurciraient alors un devoir qui initialement était très clair.
Bon courage pour la suite de vos études.
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