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La disproportion

Philosophie > sujets expliqués - 09/10/2007 - correction
                
Bonjour,

Tout d’abord, vous ayant répondu la dernière fois pour l’organisation de vos idées sur le testament de l’écrivain, je suis très content de voir que vous vous êtes tenue à vos délais ; de toute façon, vous aviez tous les matériaux en main pour réussir. La prépa est avant tout une question de méthode ; il faut prendre confiance en vous, petit à petit, et accepter (même si je le sais bien, c’est très difficile) que les résultats ne viennent qu’ensuite, après ce travail de fond méthodologique. Dans l’immédiat forcez-vous à appliquer les méthodes et à travailler chaque sujet le plus possible, cela vus sera très profitable. N’oubliez pas que le but pour vous n’est pas d’être totalement opérationnelle aujourd’hui mais d’être performante le jour J, le jour des concours. En attendant, c’est certes difficile, mais l’enjeu est beaucoup moins important.

Sur ces réflexions, je reviens à présent sur la notion de « disproportion » (qui est en effet différente de la démesure, nous y reviendrons). Dans un premier temps, pour démarrer, face à un sujet aussi bref et en même temps complexe, le plus est de partir du dictionnaire, de la vision la plus simple des choses, de ce que tout le monde peut en comprendre, on passe dans un second temps aux considérations émanant véritablement des philosophes. Pour cela, je vous propose de regarder les définitions que le dictionnaire donne de « disproportion », de « proportion », son contraire, pour mieux expliquer le mot, et enfin de « démesure » puisque vous sentez que cela n’est pas pareil. Face à un concept, repartez toujours des définitions de base, des choses simples, des questions que cela pose sur la société, l’homme, nos vies etc. Les philosophes ne font finalement que nous donner des éléments théoriques face à ces questions qui peuvent interpeler tout le monde. Ainsi :

- « disproportion » : « absence de proportion (sic ! c’est pour cela que nous allons aller voir ce mot après), par extension, écart très important.
- « proportion » : rapport de grandeur, entre des parties et un tout, harmonie des dimensions dans un canon esthétique, sens mathématique avec l’égalité de deux proportions, rapport quantitatif entre deux choses …
- « démesure » : outrance, absence de mesure, mesure : évaluation d’une grandeur par rapport à une grandeur de référence, résultat de cette opération, dimension, quantité servant d’unité de mesure justement …

Vous voyez donc que ces deux concepts sont différents car la mesure est une comparaison à une référence définie une fois pour toute, c’est une comparaison dans l’absolu par rapport à des repères définis à l’avance ; la proportion au contraire résulte d’un jugement, d’une comparaison de deux choses l’une par rapport à l’autre, c’est un jugement relatif, et celui qui l’emporte n’est donc pas toujours le même, ici il n’y a pas de standard absolu. La disproportion est donc un écart très important de deux choses l’une par rapport à l’autre, et non par rapport à un standard dans l’absolu ; c’est presque la comparaison de deux choses qui ne peuvent pas l’être. Nous venons de définir ce mot et allons maintenant creuser un peu plus le sujet.

En introduction, vous amènerez le sujet comme à l’habitude (par exemple, on partant du mot « proportion » ou même « disproportion » dans son sens le plus courant ; comparez des idées courantes – qui sont souvent des approximations – aux définitions précises que vous pourrez trouver dans le dictionnaire, et ensuite venez-en à la définition très précise du sujet, i.e. du terme principal). Vient ensuite la problématique avant l’annonce du plan : finalement, ici on s’interroge sur le mot, ses effets, ses conséquences, ses significations : « qu’est-ce que la disproportion ? », « en quoi et quand peut-on parler de disproportion » (comme d’habitude à affiner et reformuler en fonction des arguments précis que vous allez utiliser).

Dans un premier temps, on se rend compte que la disproportion est un système de comparaison, de jugement, des choses, des faits, des personnes. L’homme a besoin de comparer, de situer, de juger, de se rendre compte. La disproportion est donc une notion introduite pour juger les choses les unes par rapport aux autres, bref, établir un ordre dans le monde et c’est en cela qu’elle est importante (car elle juge les éléments les uns par rapport aux autres, cette notion évolue donc en fonction des événements, s’adapte aux personnes, au monde tel qu’il est à tel ou tel instant). En développant ces différentes idées, vous pouvez donc montrer que la disproportion est une notion créée pour juger le monde et construire des catégories, notamment de choses qui ne paraissent comparables, commensurables à première vue. La disproportion c’est donc une notion qui permet de juger (avec encore une fois, tous les besoins humains en la matière et l’utilisation de tout ceci dans nos vies et nos sociétés) : en cela, elle est naturelle et utile.

Ensuite, la disproportion est une notion qui au départ se veut objective pour juger du monde. Ce n’est pas parce que l’on juge deux choses l’une par rapport à l’autre, que l’on ne peut pas appliquer de critères totalement objectifs dans ce type de jugement. Au contraire, on pourrait presque imaginer une grille de critères à juger, un peu comme avec l’image d’une balance : la balance penche en général toujours d’un côté, mais la chose est très mathématique (si A est plus léger que B et B plus léger que C, A est plus léger que C ; la comparaison de ces objets obéit à des règles logiques ; ce n’est pas arbitraire, au sens où dans notre exemple, A ne peut se retrouver plus lourd que C). On en vient ici au sens mathématique de proportion (rapport, fraction, comparaison ordonnée). La disproportion est donc l’absence de proportion, i.e. de comparabilité de deux rapports chiffrés en quelque sorte. Ici, vous allez donc pour développer pouvoir aller lire des extraits de livres antiques (la disproportion est une notion très antique, vous y trouverez plus de choses intéressantes que dans les théories plus récentes, du XIXème siècle à nos jours). En effet, les pythagoriciens (du nom du mathématicien Pythagore) ont beaucoup réfléchi à ces questions, de jugement de l’univers sous un angle mathématique. Ils n’ont pas laissé de trace écrite eux-mêmes à proprement parler, si ce n’est les plus tardifs d’entre eux, mais d’autres (plus connus comme Platon) ont relaté leurs idées. Vous devriez y trouver sans problème de la matière, à la seule réserve de ne justement pas confondre avec l’idée de démesure ; les deux notions sont souvent traitées dans les mêmes ouvrages, parce qu’elles sont plus souvent des prétextes que traitées pour elles-mêmes et que les traductions ne sont bien sûr pas toujours parfaites. Avec ces auteurs et leurs théories, vous allez donc par exemple pouvoir montrer dans cette seconde partie que la disproportion est une notion apparemment objective et bien définie de jugement et qu’elle répond aux problèmes posés dans la première partie (et l’on a bien progressé logiquement en passant des problèmes et constats à une première explication – du type, c’est une notion mathématique présente intrinsèquement dans le monde par exemple).

Enfin, dans une troisième, vous allez aussi pouvoir repartir vers Platon et alii, et aussi pour cette partie vers le XIXème siècle (type Nietzsche, voire Heidegger et Husserl) pour montrer que finalement cette notion est beaucoup plus subjective qu’on a bien voulu le dire auparavant. Elle tient à des notions très « humaines » mais apparues plus récemment dans l’histoire de la pensée : notre jugement dépend de la société dans laquelle nous vivons, de notre religion, de nos sensibilités (c’est le fameux « tout est relatif »). Et puis il y a tous les effets pervers de la chose : nous ne sommes pas toujours objectifs, parfois cela nous arrange bien de juger telle ou telle chose disproportionnée, quand nous ne le faisons pas par pur mauvais esprit … Cette notion est donc extrêmement contestable dans la façon dont elle s’est développée et imposée au cours de l’histoire de l’humanité. Elle répond bien à un besoin, elle est presque naturelle, mais nous n’y pouvons rien. Finalement c’est encore l’opposition « tout est mathématique et proportionnée, c’est dans la nature » / « tout est disproportionné parce que la nature n’est pas si ordonnée, et surtout parce que l’être humain n’est pas capable de juger deux choses l’une par rapport à l’autre (objectivement) et de définir vraiment la proportion (si ce n’est peut-être avec les mathématiques) ».

Après cette démonstration, on en arrive donc à la conclusion que la disproportion est une notion en quelque sorte naturelle dans le monde et pour l’homme, présente partout et malgré tout difficile à définir, mais elle fait partie de notre quotidien. A la fois objective et subjective, elle répond à notre besoin existentiel de juger et exprimer nos idées. Comme vous le savez, c’est à une synthèse de ce type qu’il vous faut arriver en conclusion, avant une éventuelle ouverture (sur un sujet proche, comme la démesure par exemple, pourquoi pas).

Côté méthode, vous pouvez reprendre les éléments génériques de ma dernière réponse, ils continuent bien sûr de s’appliquer. Côté références, allez vraiment creuser du côté des auteurs antiques, des grands philosophes grecs, puis de philosophes européens plus contemporains, mais les premiers ont vraiment beaucoup traité la question. Enfin, quant au sujet en lui-même, un sujet qui est un terme seul est toujours très vaste et très complexe, il faut donc arriver à poser un problème général mais un peu plus précis, à choisir des angles (et ne pas tout dire, même si ce n’est pas facile !) et à apporter une réponse claire et personnelle au sujet.

J’espère vous avoir éclairée et vous avoir aidé à amorcer votre réflexion, que vous allez compléter à partir de vos propres connaissances pour produire une réponse précise et pertinente ; vous en avez les possibilités sans aucun doute.

Sur ce, je vous souhaite à nouveau bon courage et un plein succès.
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