en une : Cours philo : Dieu

Première explication de texte

Philosophie > sujets expliqués - 04/10/2007 - Question simple
                
J'intercale ci-dessous des commentaires dans le texte afin d'éclairer son sens et vous aider à la construction de l'analyse.
Nietzche Crépuscules des Idoles
" Toutes les passions ont une période où elles sont seulement néfastes, ou elles rabaissent leur victime de tout le poids de la bêtise, et plus tard, une autre, beaucoup plus tardive, où elles se marient à l'esprit, se"spiritualisent".

Il s’agit ici d’un constat qui consiste à identifier une double dynamique de la passion, dynamique qui dépend non de la nature de la passion (qui peut être bonne ou mauvaise) mais de sa fonction, c’est-à-dire de la manière dont elle est utilisée. La passion bonne ne sera bonne qu’avec le guide de l’esprit.

Autrefois, à cause de la bêtise de la passion, on faisait la guerre à la passion elle-même: on jurait sa perte, tous les monstres moraux anciens sont là-dessus d'accord: "il faut tuer les passions". La plus fameuse maxime de ce genre se trouve dans le Nouveau Testament, dans ce Sermon sur la montagne où,soit dit entre parenthèses, l'élévation de la vue fait totalement défaut. C'est là qu'il est dit par exemple, avec application à la sexualité: " si ton oeil entraîne ta chute, arrache-le", par bonheur aucun chrétien ne suit ce précepte.

Il s’agit ici d’une critique assez radicale de l’interprétation chrétienne de la passion, qui en reste à sa signification négative et supprime la passion pour en pas en subir les dangers. Cette position n’est pas souhaitable aux yeux de Nietzsche, dans la mesure où elle supprime ce qui pourrait et devrait pourtant être une force de vie précieuse pour l’homme.

Anéantir les passions et les désirs à seule fin de prévenir leur bêtise et les conséquences désagréables de leur bêtise, voilà qui ne nous parait aujourd'hui qu'une forme aiguë de bêtise. Nous n'admirons plus les dentistes qui arrachent les dents pour qu'elles cessent de faire mal...Reconnaissons d'ailleurs en tout justice que l'idée de "spiritualisation de la passion" ne pouvait absolument pas être conçue sur le terrain qui a donné naissance au christianisme.

Mais en agissant ainsi, l’Église fait preuve d’autant de bêtise que la passion elle-même : elle fait même preuve d’une bêtise plus grave, dans la mesure où elle pourrait prendre conscience de la force de la passion et ne serait plus alors obligée de la traiter de façon négative. Il y a donc une faute du christianisme, faute qui permet de le critiquer radicalement.

Car l'Eglise primitive luttait,on le sait, contre les "intelligents" au bénéfices des pauvres en esprit" : comment attendre d'elle une guerre intelligente contre la passion? L'Eglise combat la passion par l'excision: sa pratique, son "traitement", c'est le castratisme. Jamais elle ne demande : "comment spiritualiser, embellir, diviniser, un désir?" de tout temps elle a insisté, dans sa discipline, sur l'extirpation ( de la sensualité, de l'orgeuil, de la passionde dominer, de posséder et de se venger). Or attaquer les passions à la racine, c'est attaquer la vie à la racine : la pratique d l'Eglise est hostile à la vie...

La conclusion du texte est sans appel : la façon dont l’Eglise traite la passion est mortifère. Autrement dit, la religion est animée par une pulsion de mort et est contraire au vitalisme. En creux, nous trouvons ici une esquisse de ce qui sera la théorie du surhomme et de la vie chez Nietzsche, puisqu’il s’agit de prôner un être de passion et de force contre l’ascèse du prêtre.
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