en une : Cours philo : Dieu

Faut-il alors admettre que seuls les intellectuels ont quelque chance d'être heureux?

Philosophie > sujets expliqués - Question simple
                
Article de Science et Avenir Octobre Novembre 2005.

La vérité, voilà ce que recherchent tous ceux qui consacrent leur vie à la science, tout le monde sera d'accord là-dessus. Est-ce pour autant aussi simple ?Non, seulement le terme « vérité » est susceptible de plusieurs définitions, mais ,dans le domaine des sciences, la recherche de la vérité se fonde sur un certain nombre de présupposés et se trouve orientée par des valeurs autres que la vérité, qui expliquent que, consciemment ou non, les scientifiques acceptent de mener un genre de vie très particulier.
Pour autant qu'ils cherchent la certitude, la seule méthode que les savants ont jusqu'ici trouvée est la déduction logique à l'aide d'un système formel. Un système formel se compose d'un ensemble fini de symboles (alphabet) et d'un nombre limité de règles (syntaxe) au moyen des-
quelles ces symboles peuvent
être combinés dans des formu-
les, des propositions. Un sys-
tème précis de règles d'infé-
rence - la logique - permet un
enchaînement de propositions
en vue d'obtenir la démonstra-
tion d'une proposition donnée.
Au préalable, un certain nom-
bre de propositions sont arbi-
trairement hissées au rang
d'axiomes. La démonstration
d'une proposition ou d'une for-
mule donnée - un théorème -
se présente alors comme une
suite strictement linéaire de
propositions enchaînées selon
des règles d'inférence, laquelle
suite commence par un axiome
et se termine par la proposition
le théorème - recherchée.
Elle doit être telle que toute
proposition intermédiaire en-
tre les axiomes et le théorème
est ou bien un axiome, ou bien
une proposition déduite d'un
axiome suivant les règles d'in-
férence. L'application répétée
de cette procédure aboutit à un
ensemble toujours plus grand
de propositions démontrables
- de théorèmes. Une telle pro-
cédure rend possible une défi-
nition opératoire de la vérité
comme cohérence.
Encore faut-il, dans le cas
des sciences qui portent sur la
nature, que le modèle théori-
que proposé comme explica-
tion corresponde aux phéno-
mènes ou du moins permette
d'avoir une influence sur eux.
C'est alors qu'intervient la vé-
rification expérimentale qui,
entre plusieurs modèles, auto-
rise à choisir celui dont l'effi-
cacité est la plus grande et à
l'imposer provisoirement en le
mettant à l'épreuve des faits
pour déterminer s'il présente
vraiment plus d'efficacité. Pour
justifier de la possibilité de la
vérification expérimentale, il
faut avancer deux types d'ex-
plications, les unes d'ordre
technique et les autres d'ordre
théorique. Afin de progresser,
la science doit au préalable
définir des concepts particu-
lièrement abstraits, au premier
rang desquels se trouvent les
unités de mesure, et utiliser
des instruments de plus en
plus sophistiqués.
La recherche de la vérité ne
trouve pas son fondement en
elle-même. Sur un plan objec-
tif, elle suppose qu'il règne
dans le monde assez d'ordre et
de stabilité pour que la succes-
sion des phénomènes puisse
être connue et décrite. Sur un
plan individuel, le choix de
consacrer sa vie à la recherche
de la vérité implique une cer-
taine définition de l'homme et
du bonheur. Et ces deux exi-
gences se fondent elles-mêmes
sur la conviction qu'il existe
un principe suprême, comme
le bien, qui, se manifestant
sous une forme ou sous une
autre, garantit la persistance
de l'ordre dans le monde et la capacité pour l'homme d'atteindre

au bonheur.
En effet, si ne régnait l'ordre
qui garantit la succession pré-
visible des phénomènes, les
efforts des scientifiques res-
teraient voués à l'échec. Ainsi,
l'enchaînement régulier des
événements devient la condi-
tion nécessaire de toute con-
naissance, et le fondement de
la possibilité de distinguer des
objets dans le monde physique.
Le prix à payer pour satisfaire
cette exigence est très élevé.
Platon, par exemple, est amené
à postuler un monde de formes
intelligibles dont les choses
sensibles, façonnées par un dé-
miurge, ne seraient que les irna-
ges. Pour Aristote, la connais-
sance scientifique requiert en
l'homme et dans l'univers l'exis-
tence d'un niveau supérieur de
réalité, de nature divine.

Comment expliquer que cer-
tains hommes consacrent leur
vie à la recherche non de la ri-
chesse ou du pouvoir, mais de
la vérité ? Dans le monde grec,
la désignation de la recherche
de la vérité comme but de la vie
humaine est, indissociable de
l'apparition de la notion d'une
âme ayant une activité auto-
nome et indestructible. Si
l'homme se réduit à son corps,
il lui suffit, comme les animaux,
de chercher à atteindre l'état. 1
optimal du développement bio-
logique et de s'y maintenir le
plus longtemps possible en
transmettant avec le plus de
succès possible son capital gé-
nétique. Les limites d'une telle
représentation de ce qu'est un
homme ont été senties rapide-
ment. en Grèce ancienne. On
trouve en effet dans « l'Iliade »
une représentation de l'âme
comme un souffle, une image
débile du défunt qui quitte le
corps à la mort et qui, dorée
d'une survie limitée dans le
temps, est privée de mémoire.
Le défunt ne peut espérer
qu'une immortalité limitée à la
renommée qui reste la sienne
dans la communauté à laquelle
il appartient. Ainsi se trouve
réaffirmée de façon nette la dif-
férence entre l'homme, mortel,
et le divin, immortel.
Avec Platon, tout, change.
L'âme devient une réalité à part
entière dont l'activité supé-
rieure est l'intellect, (nous) et
qui est dotée d'une véritable
immortalité. En exerçant l'ac-
tivité la plus liante de son âme,
l'homme s'assimile au divin.
D'ailleurs, à la fin du « 'Hmée »,
Platon explique comment
l'âme (psyché) est en fait quel-
que chose de divin (daimon),
et comment le bonheur - qui
se dit eudaimoma en grec
ancien - consiste à être doté
d'une âme pourvue d'un bon
(eu)daimon. Par là l'homme
peut atteindre au niveau de
perfection qui réside clans l'im-
mortalité : suivant l'expression
de Platon, il devient un dai-
mon. Et c'est ainsi qu'il accède
au bonheur (eudazmonia).
C'est avant tout l'exercice de la
faculté la plus haute de son
âme, son intellect, qui conduit
l'homme au bonheur, c'est-à-
dire à la perfection de son être
et au sentiment qu'il peut en
tirer. Il faut que l'intellect
tienne le premier rang en
l'homme, qui par l'acquisition
clé la connaissance s'assimile
au divin. Or l'étude des mouve-
ments de l'univers, qui sont di-
rigés par une âme dotée d'un
daimon, doit permettre à l'in-
dividu qui les comprend et qui
les imite d'accéder au bonheur,
conçu comme état de perfec-
tion de son âme. Bref, la déci-
sion de mener un genre de vie
fondé sur la recherche de la vé-
rite est motivée par la recher-
che du bonheur.

Au fondement de la recher-
che de la vérité et du bonheur,
on trouve la conviction qu'il
existe un lien qui doit lier et
fonder toutes les choses, et qui
ainsi donne sens à l'action hu-
maine. Or ce lien ne peut être
le résultat d'un décret de l'in-
telligence humaine. Voilà pour-
quoi dans le « Phédon » de Pla-
ton, le bien est une réalité en
soi qui s'impose à tout intellect,
ce qui fait passer au second
rang l'intellect qu'Anaxagore
voulait placer au premier. Le
bien, selon Platon, est ce pour
quoi toutes les choses existent
et ce en vue de quoi toutes les
actions sont entreprises. Chez
(Aristote, ce rôle est tenu par le
premier moteur immobile, qui
fait se mouvoir toutes les cho-
ses par le désir qu'il suscite.
La vérité définie comme co-
hérence de la pensée et du dis-
cours ou comme adéquation de
cette pensée et de ce discours
à la réalité ne peut constituer
un point de départ absolu. Elle
suppose l'existence d'un ordre
qui la rende possible. Par ail-
leurs, le choix d'une vie consa-
crée à la recherche de la vérité
ne se justifie pas en lui-même,
mais dépend de la recherche

du bonheur. De surcroît, ordre
et bonheur exigent une cer-
taine croyance en la préémi-
nence du bien, conçu connue
exigence d'excellence ou de
perfection. Ordre, bonheur et
bien sont des notions qui ne
relèvent pas de la science, et
qui ne peuvent être définies
que dans le cadre de la mytho-
logie ou de la métaphysique.
Elles transgressent donc le do-
maine de la science, bien que,
paradoxalement, elles servent
par là même à fonder celle-ci.
Le scientifique ne peut cer-
tes prendre en considération
ce genre de notions dans le
cours de ses recherches ; en-
core lui faut-il reconnaître que
sa pratique deviendrait impos-
sible s'il pensait que le monde
est livré au chaos, que la re-
cherche de la vérité est incom-
patible avec le bonheur et s'il
ne pensait pas qu'il existe un
lien qui, d'une façon ou d'une
autre, assure une véritable co-
hérence entre les êtres. En
Grèce ancienne, on avait ob-
jectivé tout cela en parlant
d'âme, de divin ou de bien et
en faisant intervenir ces prin-
cipes dans la démarche scien-
tifique. Aujourd'hui, notam-
ment après Kant, on établit une
distinction très nette entre
science, d'une part, et mytho-
logie et métaphysique, d'autre
part, ces dernières se trouvant
rejetées du côté du privé.
Mais le scientifique est un
hon-ime, et il ne consacrerait
pas sa vie à la recherche de la
vérité si cette recherche ne
correspondait pas à son désir
profond d'être heureux, un
désir portant lui-même sur la
certitude, même dépourvue
de toute objectivité, que tout
n'est pas vain.

LUC BRISSON EST CHERCHEUR AU CNRS
(PARIS)
LBRISSON@AGALMA.NET
HORS-SERIE SCIENCES ET AVENIR - OCTOBRE/NOVEMBRE 2005

Discussion proposée :
« C'est avant tout l'exercice de la faculté la plus haute de son âme, son
intellect, qui conduit l'homme au bonheur, c'est-à-dire à la perfection de son
être et au sentiment qu 'il peut en tirer. » écrit Luc BRISSON.
Selon l'auteur, la condition du bonheur serait donc l'activité supérieure
de l'esprit.
Faut-il alors admettre que seuls les intellectuels ont quelque chance
d'être heureux ?
Vous développerez votre réflexion en la nourrissant de votre
connaissance des Å“uvres au programme.

Bonjour,
J'ai une discussion à faire à propos du texte de Luc Brisson sur "la Science comme manière de vivre".Mon thème de l'année en classe préparatoire scientifique est la recherche du bonheur. Il faut s'appuyer des oeuvres au programme qui sont: "Le Chercheur d'Or" de Le Clézio, "Oncle Vania" de Tchekhov et "La Vie heureuse, La briéveté de la vie" de Sénèque. J'ai reformulé la problématique sous cette forme: Dans quelles mesures peut-on dire que les intellectuels ont plus de chance d'atteindre le bonheur? J'ai effectué un plan détaillé:
I-Certes il faut bien reconnaître qu'une telle assertion ne peut être totalement inexacte.
1-D'abord parce qu'il est incontestable que vouloir se rapprocher du divin c'est rechercher la vérité et donc le bonheur.
Exemple: Luc Brisson.
2-Et ensuite que l'intellect est une forme d'accès au bonheur. Il s'agit de surpasser les autres: victoire.
Exemple: Astrov dans Oncle Vania, un médecin qui trouve un certain bonheur à planter ses arbres.
3-Et enfin que cette affirmation peut être défendable dans la mesure où tout scientifique par l'expérience a accès à la connaissance.>sentiments de se rapprocher de la vérité?
II-Mais il existe d'autres formes du bonheur. En plus des intellectuels, comment les autres peuvent-ils avoir accès au bonheur?
En réalité, les intellectuels ne sont pas les seuls.Chacun a accès à son bonheur. Pour approcher d'une vérité plus incontestable, il convient donc de remarquer:
1-D'abord qu'il faut vivre conformément sur le juste.Or selon Socrate, l'homme juste a accès au bonheur.
Exemple: Giorgas.
2-Ensuite que à plusieurs, on peut accéder au bonheur que ce soit au niveau relationnel ou moral.
Exemples: travail en équipe conduisant au bonheur; Alexis dans "le Chercheur d'or".
3- un exemple de Sénèque?
Conclusion: C'est pourquoi l'on peut affirmer au bout du compte que, en dépit de l'incontestable part de vérité qu'elle contient, seuls les intellectuels ont une chance d'atteindre le bonheur est en réalité insuffisante.Et il convient donc de la nuancer, en insistant sur le fait que les intellectuels ne sont pas les seuls et qu'il existe d'autres formes d'accès au bonheur. Tout le monde peut être heureux.
La difficulté dans mon plan est de clarifier mes sous parties notamment le 3 de la partie II, je ne trouve pas dautres arguments.Quels sont les autres arguments nécessaire à ajouter?Et les exemples?Pouvez-vous me proposer un plan détaillé qui correspondrait mieux?
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