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Dans quelle mesure peut-on dire que l'être humain est inachevé ?

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Je vous envoie, pour ce sujet de philosophie, mon plan détaillé qui résume, approximativement, le cheminement de mon raisonnement. Sur ce sujet, mes principales interrogations concernent la justesse de mon plan et de mes analyses. Ais-je commis des erreurs dans mon analyse ? D'autre part ais-je oublié des éléments (réflexions, penseurs...) pour traiter le sujet ? Sur ces différentes questions, j'aimerais avoir votre opinion.
En vous remerciant
Pierre

Dans quelle mesure peut-on dire que l'être humain est inachevé ?

Pour Aristote, l'éthique est inséparable de la politique car la cité polis permet à l'homme d'être vraiment lui-même et d'accéder aux plus hautes vertus. D'où une théorie politique, une science de la cité et de la société. L'homme se définit comme un animal politique, un animal civique, vivant par nature dans la cité. La communauté réalise la perfection de l'homme, son achèvement. Néanmoins dans quelle mesure peut-on dire que l'homme est inachevé ?

I) Nature : l'homme est, par nature, un être inachevé

Notre espèce, comme toutes les autres, résulte d'une accumulation de mutations sans qu'il soit possible de décider sans arbitraire à partir de quel stade la nouvelle espèce est en place. En remontant notre généalogie sur plusieurs centaines de milliers de générations, nous découvrons des ancêtres primates qui sont également des ancêtres de l'actuel chimpanzé. Au cours des temps et des évolutions, toutes les espèces, à partir d'un hypothétique ancêtre commun, sont devenues de plus en plus différentes. Nous avons perdu la faculté d'agripper des branches avec nos orteils, les mâles de notre espèce ont perdu leur baculum, nous avons perdu l'essentiel de notre fourrure… Toutes ces transformations ont rapproché nos ancêtres de l'état actuel d'Homo sapiens, mais elles ont été progressives. L'apparition de la conscience n'a probablement pas été une illumination soudaine, mais une lente sortie des ténèbres ; sortie qui n'est pas encore achevée.
Qui plus est, chaque individu, en tant qu'être humain, décide de ce que devrait être demain en fonction d'aujourd'hui : ce n'est donc pas une fin mais le début d'une nouvelle histoire qui se perpétue infiniment, tout comme l'évolution : dans ce sens, on ne peut parlé d'homme achevé puisque chaque individu est, génétiquement comme mentalement, un énième recommencement.

II) Moral : fondements de la métaphysique

L'homme est, peut-être, inachevé scientifiquement parlant mais le fait qu'il se reconnaisse lui-même comme être pensant ne le conduit-il pas au stade de l'achèvement ?
Le cogito est le premier principe de la philosophie de Descartes : le « je pense, donc je suis » est atteint au sein même du toute absolu. Sachant qu'il existe, ce doute est alors une pensée, distincte du corps, dont l'existence est douteuse. Mais le doute dans son essence même est une imperfection. Dès lors, je possède en moi cette idée de parfait dont je ne puis être la cause, puisque je suis imparfait. Ainsi, l'homme est-il un être inachevé. Mais pourquoi l'homme ne serait-il pas la cause de cette idée de parfait ? Dans la « Méditation troisième » Descartes explique et nie cette hypothèse. La cause de cette idée de parfait ne peut être qu'un être parfait. De même l'idée d'infini suppose un être infini. Mais cette idée d'infini est présente en moi et implique une réalité possédant autant de perfection que son idée. Elle ne peut donc tirer son origine de moi-même, qui suis imparfait. C'est Dieu, être infini, qui est donc origine de l'idée d'infini dans mon esprit.
D'autre part, partons de ce moi fini possédant l'idée d'infini. Quel est la cause de moi-même, pourquoi ne pourrais-je pas m'être auto crée ? Mais si j'avais le pouvoir de me crée, je me serais donné toutes les perfections dont j'ai l'idée. Par conséquent , Dieu infini est l'auteur de mon existence et de mon être.
Dès lors, l'homme ne peut, en aucun cas, être inachevé, puisqu'en lui-même il est imparfait.

III) Culture : l'homme achevé socialement ?

Comme nous l'avons vu précédemment, Aristote considérait le fait de vivre en société comme l'ultime achèvement de l'être humain.
Partant de cette conception, l'homme moderne serait alors, à l'heure de la société de consommation et de communication, l'achèvement ultime. Pourtant, on retrouve chez le consommateur l'obsession du dernier homme pour le confort et la sécurité, en même temps que son hédonisme mou. La société de consommation l'asservit aux petits plaisirs, ne lui laissant pour seule horizon que la recherche effrénée du profit. Car qui possède est bientôt possédé à son tour, fait remarque la « généalogie de la morale » de Nietzsche. Comme l'avait déjà noté Schopenhauer, l'homme moderne lui-même n'est qu'un « produit industriel que la nature fabrique à raison de plusieurs milliers par jour ». Aussi dans la « deuxième considération inactuelle », consacrée à son éducateur, Nietzsche dénonce-t-il vivement la déshumanisation qu'entraîne la société industrielle, qui fait de ses fonctionnaires de simples rouages de la gigantesque machine qu'elle est au fond.
L'humanité est ainsi irrémédiablement fragmentée par l'exigence économique de rentabilité, qui vise à confiner chacun dans un recoin, dans une spécialité. L'ambition suprême de la modernité semble être de constituer le « troupeau unique » dont parle Dostoïevski.
Et la mondialisation ne reflète-t-elle pas cette volonté d'uniformiser le monde, de supprimer la diversité et d'imposer à tous les mêmes désirs limités, les mêmes ambitions mesquines.
L'ultime étape de la société ne mène donc pas l'homme à l'achèvement mais bien au contraire à sa désagrégation : dans cette mesure l'homme est, socialement, un être inachevé.
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