en une : Le raisonnement par récurrence

Beauvais au xviième siècle

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Bonsoir.
Je suis en IIème année d'histoire (DEUG) et j'ai quelques problèmes pour la méthode du commentaire de documents... je voulais savoir si vous pourriez me corriger ce devoir "complet" (il manque l'introduction et la conclusion car nous ne l'avons pas encore fait, mon collègue et moi), si vous pouviez me dire ce que vous en pensez, votre avis, (les failles de mon plan...)... et qu'est-ce que vous, vous auriez mis, quel plan auriez-vous adopté...
Je vous remercie d'avance.

Excusez-moi pour les fautes de frappe.

(Pour le premier envoi de cette question, comme c'est la première fois que je viens ici, je me suis trompé... : voilà en tout cas tout ce que je voulais vous demander).

DOCUMENT PROPOSE

Texte de Beauvais

document n°15 : Le problème des pauvres d'après le Discours chrestien sur l’establissement du bureau des pauvres de Beauvais de Godefroy Hermant

Chapitre II : Déplorable estat de la Ville de Beauvais à l'esgard des Pauvres, avant l'establissement du Bureau
(...) Cette ville (Beauvais), qui est une des plus Chrestiennes, aussi bien qu'une des plus anciennes du
Royaume, ne subsistant que par le commerce & le lanifice, s'est toujours (sic) trouvée accablée d'un plus grand nombre de Mendians qu'aucune autre de son estendue. Car comme la manufacture des draps & des serges demande un très grand nombre d'artisans, qui ne gaignent pas beaucoup, & pour l'ordinaire ne sont pas fort assidus au travail, la fertilité des bonnes années n'a presque iamais diminué la multitude des Pauvres, parce qu'il est souvent arrivé, ou que l'abondance des bleds n'a pas esté suivie de l'heureux succez du commerce, ou que les chefs de ces petites familles, qui n'ont presque rien de commun avec la prévoyance de la fourmy, voyans les vivres à vil prix, sont tombez ordinairement d'un excez de confiance dans un excez d'oysiveté, ou dans la desbauche qui en est la suite ordinaire.
Et parce qu'après cette mauvaise conduite, la nécessité extrême à laquelle ils se sont réduits par leur faute, leur est devenue un fardeau insuportable, le desespoir les a souvent portez à se séparer de leurs femmes par une fuite précipitée, & à abandonner leurs enfans dans la dernière indigence (...)
Ainsi la ville de Beauvais a toujours esté chargée d'un certain genre de veuves qui avoient encore leurs maris, & d'orphelins dont les Pères n'estoient pas morts. Et comme un desordre en attire plusieurs autres, ces enfans se trouvant tout à la fois privez de pain, & demeurans sans éducation & sans employ, ont choisi la mendacité pour leur partage comme l'unique mestier de ceux qui n'en sçavent point d'autre, & comme l'art des mal-heu-reux que la nécessité enseigne aux hommes en un instant (...)

Chapitre III : Premiers efforts qui furent faits à Beauvais. pour apporter un ordre dans la distribution des aumosnes. & pour oster la mendicité

(...) L'année 1652 ayant apporté avec elle un accroissement de disette par sa stérilité extraordinaire, donna lieu à un redoublement de charité, & fit prendre des resolutions (...) Paris estant investi, & toute la France affligée d'une division intestine & d'une guerre civile qui luy déchiroit les entrailles, Beauvais voyoit périr en un instant les moyens de sa subsistance par la cessation du commerce. Le bled estoit extraordinai rement cher, & ces deux fléaux sembloient menacer les pauvres d'une désolation générale.
Neantmoins par un effet merveilleux de la providence, ce qui devoit apparemment les priver de toute consolation (...) fut une occasion favorable de les secourir avec plus d'ordre & plus d'efficace que iamais (...) tous les Ordres de la ville conspiroient à un mesme but : mais plus on raisonnoit sur les moyens d'y parvenir, & plus il naissoit tous les iours de nouvelles difficultez (...) La charité des particuliers fut l'unique source où ils puisèrent durant six mois dequoy faire subsister tous les pauvres de la ville & des fauxbourgs, & mesme dequoy faire l'aumosne aux passans. Les uns donnèrent en bled, ou en argent ce qu'ils vouloient contribuer dans cette occasion extraordinaire. Les autres se chargèrent volontairement de la nourriture d'un ou de plusieurs Pauvres; & tous ayant eu advis de Messieurs leurs Curez de ne plus rien donner ny dans les Eglises, ny dans les rues, ny à leurs portes (...) En mesme temps enjoignit le soin des âmes à celuy des corps, pour suivre les mouvemens de la grâce aussi-bien que les sentimens de la nature. On prit soin d'instruire ceux que l'on entreprenoit de nourrir.

Chapitre IV : Ouverture du Bureau des Pauvres. Ordre général establv pour reconnoistre le véritable estât de leur pauvreté. & poru la différente distribution des aumosnes.

Ce commencement estoit trop heureux pour ne point passer plus avant. On venoit de reconnoistre que les aumosnes des particuliers estoient suffisantes pour entretenir tous les pauvres de la ville pourveu qu'elles fussent bien mesnagées (...)
Pour ne pas différer plus long-temps l'exécution de cette pieuse entreprise, on choisit dans l'estat Ecclésiastique & séculier des personnes zélées & intelligentes ; & abandonnant ce sainct ouvrage à leur fidélité qui estoit connue de tout le monde, on leur donna tout pouvoir de faire en cette rencontre ce qu'ils iugeroient plus à propos (...) ils cherchèrent la maison la moins incommode qu'ils purent pour y enfermer les pauvres, en attendant que Dieu, qui conduisoit ce dessein, donnast les moyens d'en avoir une plus grande, & qui fust digne d'un establissement de cette importance.
Et afin que ce qu'ils bastissoient d'une part ne fust pas destruit de l'autre, ils prièrent Messieurs les Curez de publier à leurs Prosnes, que dans l'attente d'un règlement universel, leurs Parroissiens s'abstinssent à l'advenir de donner l'aumosne aux mendians, & que les pauvres de chaque Paroisse s'adressassent au Bureau où l'on pourvoiroit à toutes leurs nécessitez".
Source : Discours chrestien sur V establissement du bureau des pauvres de Beauvais, par Godefroy Hermant, Paris, 1655 (extraits) dans Bibliothèque Nationale de France, RP.394, pp. 8-15.

MON COMMENTAIRE ET CELUI DE MON « COLLEGUE » (sans l’intro)

(Nous n’avons pas encore fait l’introduction, ni la conclusion).

Prob = Comment la société urbaine beauvaisienne répond-elle au problème des pauvres ?

I]L'économie beauvoisinne

1. L'activité économique de Beauvais

a) Le textile à Beauvais •

« Cette ville (Beauvais) ne subsiste que par le commerce et le lanifice »(1.4), en effet comme le précise ôodefroy Hermant Beauvais est une ville qui tire ses principales ressources du textile et par extension du commerce, bans les années 1650, Beauvais est en fait la 4e ville drapante du royaume. « La manufacture des draps et des serges» (1.6) compte 491 métiers.
(manufacture = fabrique ou travail pratiqué de manière artisanale voire sous forme d'atelier).

b) Production agricole / commerce •

L'auteur souligne d'emblée l'inadéquation de la production agricole face aux succès fulgurants du commerce : « l'abondance des bleds n'a pas esté suivie de l'heureux succèz du commerce » (1.8-9). Les campagnes sont exclusivement constituées de parcelles céréalières, de bocages, de vignobles <& de manufactures textiles individuelles <& dispersée. L'élevage d'ovins ne connaît pas le succès qu'il devrait connaître dans une région de manufactures textiles.

c) Importance du commerce •

Le commerce occupe une place importante notamment dans le domaine textile. Godefroy Hermant parle « d'heureux succès du commerce » (19). la domination du marché de Beauvais est importante (voir carte). Le marché aux grains de Beauvais occupe une place de marché de consommation & de transit.
C'est le plus important de la région délimité d'un côté par la Somme, L'Oise <& la Seine. Il ne faut pas négligé l'importance du Franc-Marché où s'échange des bovins en provenance des régions limitrophes (ôisors ou Bray). La halle aux laines est la pièce maîtresse du commerce beauvaisien. Il s'y échange beaucoup de laines chaque année : l'importation de laine de
Beauvais représentait en 1682 ; 160 000 livres de laine française, 150 000 livres de laine espagnole à 2 000 livres de laine anglaise. Beauvais effectue du commerce avec les colonies <& l'étranger. Elle fait transiter ses exportations via les ports de la Manche <& de l'Atlantique ( St Malo...). d) La caste des marchands • Suite logique de cet essor on notera l'importance des marchands à Beauvais qui dominent la société de par leur enrichissement <& leur ascension rapide : ceci contraste avec la misère. On distingue les fabriquants-marchands et les simples négociants. Ils commercent avec Paris qui absorbent une bonne partie de la production dite de «basse qualité» vers laquelle se dirige la manufacture beau voisine.
=> à l'issu de ce rapide panorama de l'économie de Beauvais on remorque que Beauvais est une économie essentiellement tournée vers le textile qui peut expliquer l'apparition de la pauvreté.

2. Le monde de la manufacture textile

a) Une population au service de la manufacture •

« La manufacture des draps A des serges demande un grand nombre d'artisans » (I. 5-6) : Beauvais compte de nombreux ouvroirs qui emploient 1/3 d'une population qui s'élève à 12 000 habitants entre 1650 <& 1690. Cela représente à peu près 745 chefs de famille qui se répartissent de la manière suivante : 104 sont fabricants, 99 marchands <& 542 ouvriers. Le textile fait vivre la moitié de la ville (en comptant le commerce).

b) Les fabricants •

II est important de souligner quel est le rôle du fabricant pour comprendre l'essor du nombre des pauvres à Beauvais. Le fabricant est quelqu'un qui possède un atelier avec un nombre de métiers variable : à titre d'exemple on en comptait de 4 à 20 métiers par atelier avant 1647, après cette date on n'en compte plus que 7. Témoin du déclin. Disparition progressive des ateliers les plus importants après la Fronde, ce qui contribue à « un excez d'oysiveté » que l'on pourrait définir par le chômage (I. 11). On distingue les fabricants purs qui possède pas de boutiques à transitent par un négociant, les marchands drapiers-drapant à petits fabricants-façonniers : c'est à eux que l'auteur fait mention dans le 1er § : ils sont en effet susceptibles de tomber dans la pauvreté pour ne pas avoir eu « la prévoyance de la fourmy » (1.10).

c) Les « ouvriers en laines » •

Le lanifice (= fabrication d'étoffé de laine), le drap & les serges (= tissu de laine dont l'armure est celle du sergé (= armure utilisée pour le tissage d'étoffés obliques) (armure = mode d'entrecroisement des fils de chaînes et de trame) (chaîne = ensemble de fils // disposés dans le sens de la longueur d'un tissu qui passe entre la trame) requiert « un très grand nombre d'artisans» (I. 6) : fileurs, tisserands, peigneurs, teinturiers, préparateurs.
Système de maîtres «& apprentis. On devient maître par serment. Les apprentis ont en moyenne entre 10 <& 20 ans.

• Activité autour du commerce de lin avec des blanchisseries : transit de toiles de la Maine, de la Normandie.

Beauvais vit au rythme des métiers et mobilise pour cela la moitié de sa population. Mais il est important de préciser et c'est l'objet de la partie suivante qu'une trop grande spécialisation comme c'est le cas à Beauvais est à l'origine des pauvres.

3. Aux origines des pauvres de Beauvais

a) Une trop grande spécialisation de Beauvais •

L'industrie textile de Beauvais connaît un déclin provoquant ainsi des difficultés économiques au sein de cette économie fragile. Cela se traduit une diminution des métiers et des draperies comme on l'a vu précédemment. Une des origines de ce déclin vient aussi de la dépendance agricole de la société du 17^ siècle. Les crises frumentaires que va connaître la population va entraîner une augmentation du prix du pain devenant alors la consommation prioritaire au détriment des outres donc du textile. La diminution de la consommation (milieu populaire parisien principal consommateur des étoffes de Beauvais) aboutit à une diminution de la production : crainte du « silence des métiers ». Cela génère donc du chômage.

b) Des « artisans qui ne gaignent pas beaucoup » (I. 6) •

II y a une diminution de l'emploi dans le textile à Beauvais. Godefroy Hermant est d'ailleurs à ce propos très critique, il dit : « des artisans [qui] [...] ne sont pas fort assidus au travail » (I. 7). Or il faut savoir qu'à l'époque à Beauvais les apprentis étaient souvent mis à la porte pour des motifs souvent injustifiés.
On peut d'ailleurs faire un parallèle entre le la courbe d'apprentissage textile et la courbe des prix du blé. Les fabricants sont touchés comme leur ouvriers par la crise (voir graphique). Bref les emplois sont de plus en plus précaires. c) Les salaires de la précarité • Ils « n'ont presque rien de commun avec la prévoyance de la fourmy » (I. 9-10).
Encore une fois l'auteur est très injuste avec les artisans du textile. Il faut savoir qu'ils « ne gaignent pas beaucoup » (I. 6). En théorie le taux des salaires est fixé par le bailli mais souvent revu à la baisse par les patrons fabricants.
Un ouvrier en laine touche en moyenne 7,5 sol par jour. Sur cette somme, 1 sol part pour le loyer, les cotisations paroissiales, le sel et les subsistances.

1 5 sol permet d'acheter 13 livres de pain. Ces conditions sont caractérisées comme bonne car le prix du pain est constant et le salaire régulier. Mais il peut subvenir des catastrophes comme la maladie, un nombre important d'enfant à nourrir. Ainsi malgré «la fertilité des bonnes années» dans le textile il suffit que les récoltes soient mauvaises et le prix du pain anéantit le salaire. Il a ainsi doublé en 1643, triplé en 1649 et en 1651. Il devient alors impossible de nourrir une famille. Hermant appelle cela de la « mauvaise conduite ». Ils sont alors réduits « à se séparer de leurs femmes par une fuite précipitée, et à abandonner leurs enfants dans la dernière indigence ».

II- La Fronde

A – Contexte général

« L’année 1652 ayant apporté avec elle un accroissement de disette par sa stérilité extraordinaire (...) Paris estant investi & toute la France affligée d’une division intestine & d’une guerre civile qui lui déchiroit les entrailles ».

La Fronde dura de 1648 à 1653.
Elle connut plusieurs phases :
- D’abord la révolte des parlementaires : Janvier à Décembre 1648
- L’union des Frondes, la révolte des Grands : 1650-1651 : Turenne, Gondi... avec le départ de Mazarin. C’est aussi à ce moment que Louis XIV a obtenu sa majorité le 7 septembre 1651.
- Puis la Fronde Condéenne : de 1652 à 1653 (date où Bordeaux, pro-condéenne) se rend) : en gros la bataille de Condé qui, au passage a négocié avec l’Espagne, contre la famille royale.

Notre texte, quant à lui, se situe dans la fronde Condéenne.
Alors, quel contexte ?

« L’année 1652 ayant apporté avec elle un accroissement de disette par sa stérilité extraordinaire (...) »

- D’abord, 1652 est une crise économique gravissime. Il faut se rappeler les mauvaises récoltes des années précédentes, dues à de mauvaises conditions météorologiques... En Ile de France, c’est la disette et Beauvais n’y échappe pas : en effet, les p »estes » frappent durement la population sous-alimentée et la mortalité fait des bonds impressionnants.

« Paris estant investi & toute la France affligée d’une division intestine & d’une guerre civile qui lui déchiroit les entrailles ».

- Ensuite, 1652 est une année terrible de guerre civile, avec la Fronde. C’est en fin Février 1652, que le Conseil royale décide de reconquérir la capitale. Le 7 Avril : choc armées royales / armées condéennes à Bléneau : victoire royale. Ces armées, sans intendance et sans munitionnaires, vivent sur le pays, pillant et détruisant les récoltes autant qu’elles en consomment. Sans semences et privés de chevaux, les paysans ne peuvent labourer leurs champs pour l’année suivante. Ceux qui ont tout perdu vont en grand nombre dans les villes où ils viennent grossir le rang des pauvres. Beauvais subit évidemment ce type de situation.

Dans la cadre du Beauvaisis, la guerre ne rentra jamais dans cette province. Par contre, le Beauvaisis souffrit des levées d’hommes et subit de lourdes charges : logements de troupes, prélèvement de blé, d’avoine, de fourrage, de viande, levées « extraordinaires » de deniers pour les « subsistances des troupes ».

- Du 11 Avril au 13 Octobre 1652, Condé résistera à Paris. Le 21 Octobre, le jeune roi entrera dans la capitale sous les acclamations et rétablira la situation.

B- Répercussions économiques et sociales sur les pauvres

D’abord comme le dit Godefroy de Hermant :

« L’année 1652 ayant apporté avec elle un accroissement de disette par sa stérilité extraordinaire (...). Beauvais voyoit perir en un instant les moyens de sa subsistance par la cessation du commerce. Le Bled etoit extraordinairement cher, & ces deux fléaux sembloient menacer les pauvres d’une désolation générale ».

Il y a donc deux conséquences dues à la Fronde qui touchent Beauvais :
- La première, c’est qu’en raison de la guerre, Beauvais est obligé de « s’endormir économiquement », de ne plus commercer, de cesser tous les échanges.
- Cette conséquence en amène une deuxième : l’augmentation du Blé.

On sait parfaitement que le blé est l’aliment fondamental des classes populaires les plus nombreuses, sous l’Ancien Régime. Et on a vu dans la partie précédente qu’il jouait un rôle majeur dans l’économie Beauvaisienne.

En termes concrets, que signifie cette subite « cherté » du pain ?
Avec la Fronde parlementaire et l’union des Frondes (1648-9), les prix atteignent un sommet. Il y eut un léger répit pour l’année 1650, mais un nouveau sommet en 1651-1652 : on n’avait pas vu ça depuis ½ siècle. Le prix était tellement haut qu’il fallut 5 ans pour que le prix baisse à son niveau initial.

Ainsi en Sols (la monnaie beauvaisienne) :

1645-6 35,6
1649-50 105,8
1650-51 80,7
1651-52 94,8

Quelles conséquences sociales ?
- Le chômage : la Fronde a provoqué le chômage de la plupart des ouvriers du textile, activité qui domine l’industrie beauvaisienne : le ¼ d’une population où dominait l’activité textile était réduite à l’aumône dès les premières semaines d’une cherté du pain. Si la hausse des prix persistait, les maladies, issues de l’épuisement physiques, pouvaient jeter au tombeau le ¼ de Beauvais, c’est à dire la moitié des ouvriers en laine.
- La baisse des salaires, exemple suivant.

Prenons l’exemple d’un manouvrier, l’un des métiers qui, en cas de hausse exceptionnelle, plonge tout de suite dans la pauvreté.
Le salaire d’un manouvrier, qui aidait les terrassiers :

Eté 1640 environ 12 sols / jour
De 1648 à 1652 maximum = 8 sols / jour

Maintenant avec les bûcherons, catégorie sociale elle aussi fragile.

1643-1646 12 à 14 sols / jour
1648 à 1652 pas plus de 6 sols / jour
La Fronde a donc eu de graves conséquences sociales pour Beauvais. On comprend ces conséquences quand on pense que cette économie, essentiellement fragile, reposant sur les ouvriers textiles ou les manouvriers : du coup, beaucoup de pauvres. En effet, 9/10e des ruraux dans le Beauvaisis étaient manouvriers ou haricotiers. Toutes ces personnes vont gonfler la masse des pauvres.

Mais alors comment Beauvais peut-elle réagir à cette augmentation de pauvres ? Quelles sont ses moyens de lutte ?

III- La réponse au problème des pauvres

A - Les petites structures pour aider les pauvres

1 - Des aumônes, pourquoi ?

« La charité des particuliers fut l’unique source où ils puisèrent durant six mois dequoy faire subsister tous les pauvres de la ville & des fauxbourgs, & même dequoy faire l’aumosne aux passans.
Les uns donnèrent en bleds, ou en argent ce qu’ils vouloient contribuer dans cette occasion extraordinaire.
Les autres se chargerent volontairement de la nourriture d’un ou plusieurs Pauvres ; & tous ayant eu advis de Messieurs leurs Curez de ne plus rien donner ny dans les Eglises, ny dans les « ruës », ny à leurs portes (...).
Ce commencement estoit trop heureux pour ne point passer plus avant. On venoit de reconnoistre que les aumosnes des particuliers estoient suffisantes pour entretenir tous les pauvres de la ville pourveu qu’elles fussent bien ménagées (...). »

Avant de voir le premier moyen de lutte contre la pauvreté, il faut d’abord se demander comment on percevait le pauvre au XVIIème siècle. Est-ce comme maintenant ?
Pourquoi « tous ayant eu advis de Messieurs leurs Curez de ne plus rien donner ny dans les Eglises, ny dans les « ruës », ny à leurs portes (...) » ? Pourquoi le curé demande aux gens de ville d’arrêter de donner les aumônes ? On a la réponse si on regarde comment on percevait les pauvres au XVIIème siècle.

- La pauvreté est chargée avant tout d’une valorisation extrême, à cause de la survivance de la spiritualité médiévale : un pauvre se conforte à l’image du Christ. Dès lors, il n’est pas trop étonnant que l’Eglise veuille se charger des pauvres : soit elle les épaulent elles-mêmes ou elle demande aux autres de distribuer des aumônes. La première de cette image est donc positive.
Mais le pauvre a aussi des images négatives :
- Les pauvres sont pensés comme inutiles au monde : ils ne travaillent pas et ne produisent pas de richesses, alors que l’idéal productif et la réhabilitation du travail deviennent au XVIIème siècle des valeurs essentielles.
- L’errance des pauvres : le pauvre est vu comme demeurant partout, sans domicile. Or, c’est au XVIIème siècle, un idéal social se renforce, c’est celui de la fixation des conditions sociales.
- Enfin, dans le cadre de l’état monarchique (même si c’est la Fronde), les pauvres sont vus comme des hommes sans maître, c’est à dire ayant échappé au contrôle des seigneurs et à l’autorité des gens de métier.

Pour toutes ces raisons, on voit que l’image du pauvre change le texte. Et c’est avec cette image que Godefroy de Hermant, chanoine de Beauvais, décrit les pauvres. Et dans ce cas-là, il faut oublier le geste de charité notre société actuelle. Si aujourd’hui, on donne pour « aider » les gens, par générosité, au XVIIème siècle, ça n’est pas la même chose.
Bien entendu, il y a cette générosité, mais cette dernière est doublée par un sentiment de sécurité : si on donne des aumônes, c’est pour se protéger des pauvres.

« On venoit de reconnoistre que les aumosnes des particuliers estoient suffisantes pour entretenir tous les pauvres de la ville pourveu qu’elles fussent bien ménagées (...). »

Il faut replacer ces passages de Godefroy de Hermant dans ce contexte.

La pauvreté est d’autant plus gênante quelle projette l’image d’une contre-société : des pauvres, isolés, sans moyens de subsistance... elle révèle l’engrenage structurel de l’ancienne économie qui, à tout moment, peut projeter dans la misère des catégories entières de la société.

C’est aussi pour lutter contre cette image terrible et trop réaliste de la société que les gens de Beauvais donnent des aumônes

2- Les types d’aumône

Les aumônes peuvent être occasionnelles ou régulières.

« La charité des particuliers fut l’unique source où ils puisèrent durant six mois dequoy faire subsister tous les pauvres de la ville & des fauxbourgs, & même dequoy faire l’aumosne aux passans.

Presque toujours ces aumônes sont distribués dans le plus grand désordre, à tous les pauvres qui se présentent, sans que l’on cherche à les distinguer. Cependant, les aumônes ont un inconvénient : beaucoup de faux mendiants profitent de ces distributions.
Les différents types d’aumônes (Godefroy nous en parle) :
- « On prit soin d’instruire ceux que l’on entreprenoit de nourrir » : un enseignement gratuit et élémentaire pour les pauvres. Des établissements pour les enfants abandonnés ou les orphelins.
- « Les uns donnèrent en bleds, ou en argent ce qu’ils vouloient contribuer dans cette occasion extraordinaire. » Les vivres ou l’argent.
- Mais surtout, les bienfaiteurs s’efforcent de subventionner les hôpitaux, de créer des écoles ou des instituts de crédit bon marché pour les pauvres.

Mais ces aumônes, on l’a vu, ont avant tout un but : se protéger. Et pour cela, « séparer » les pauvres, les mettre loin du quotidien, peut être une réponse... En effet, cette idée s’épanouit au XVIIème siècle et Beauvais n’y échappe pas... en instaurant un Bureau des Pauvres.

2. L'installation du Bureau

a) Définition

• Le Bureau des pauvres est une institution d'assistance, ils organise notamment des distribution de pains et d'argent pour les pauvres qui travaillent ou qui ne peuvent subvenir à leur besoin. Les ressources viennent de ce que l'auteur appelle « les aumosnes des particuliers [qui] estoient suffisantes pour entretenir tous les pauvres de la ville » (I. 44-45). Le Bureau se devait de prendre en charge les veuves et les orphelins décrit par l'auteur dans le 1er paragraphe. Ainsi la situation économique décrite précédemment fait que de plus en plus d'artisans ont recours à cette institution charitable. C'est ainsi que la société réagit et prend en charge les pauvres de Beauvais.

b) Installation et fonctionnement

• Le Bureau s'installa tout d'abord dans la « la maison la moins incommode qu'ils purent pour y enfermer les pauvres » (I. 49-50) dans l'attente d'avoir les moyens d'acheter des bâtiment « digne d'un establissement de cette importance» (I. 51). Le Bureau connut son installation définitive en 1660. En fait le Bureau fut établi dès 1653. Il est fait mention de divers essais entre les lignes 29 et 40. L'impulsion fut donné par l'évoque Choart de Buzenval (1611-1679). Il abrite 300 pauvres ; enfants, adolescents, vieillards, infirmes, mais aussi miséreux de tout âge. Il centralise et dispatche tous les pauvres :
« que (es pauvres de chaque Paroisse s'adressassent au Bureau où l'on pourvoirait à toutes leurs nécessitez » (t. 54-55).

• Le Bureau emploie cette main d'œuvre pour fabriquer à très bon compte des étoffes. Ainsi le Bureau achète de la laine pour sa manufacture. Le Bureau se charge également de former des tisserands, sorte de réinsertion sociale.

• Ainsi le Bureau constitue une institution de charité pour désamorcer toute révolte des pauvres. Malgré tout elle n'arrive pas à vaincre le chômage, la pauvreté et les épidémies qui prennent leur racine dans les structures économiques <& sociales de la société.
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