en une : Le lexique de français

Commentaire-latin virgile enéide

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 14/05/2008 - correction
                
Bonjour,

Merci pour les textes. Je commence donc par « Didon ravagée par la passion ».

Concernant les éléments à mettre en exergue dans le commentaire, il y a tout d’abord la comparaison / métaphore filée entre Didon désespérée et la biche cherchant à échapper au chasseur. Il faut y étudier l’attitude de fuite première, l’instinct de survie, puis la démence totale, la perte de contrôle qui semble conduire à la résignation et une certaine acceptation de la situation, après s’être par exemple assurée de la survie de son petit. Dans cette comparaison, Virgile commence à utiliser le processus d’actualisation qu’il va ensuite utiliser abondamment : par des présents de narration notamment, il rend réels et concrets, vivants, des éléments qui sont irréels ou passés. Ici, il décrit les pensées délirantes de Didon par ce type de présent de narration, pour les rendre presque réelles, montrer leur intensité et la faire ressentir au lecteur (on va presque jusqu’à douter à certains moments : description d’un délire ou de la réalité ?). Un peu plus tard, l’image de la fin (fin de vie de la biche) est reprise avec le coucher du soleil et la descente de la lune. Le délire est donc ici traité sur un plan très actualisé, assez ambigü finalement, oscillant entre les images qui paraissent très claires (comme la biche pourchassée par le chasseur) et plus ténues (notamment le présent qui sème le trouble). Par la suite, deux autres thèmes sont abordés : la persistance de l’amour perdu à travers l’image de l’enfant (jusqu’à la suggestion d’un amour incestueux qui pourrait passer par la tête de Didon) et le contraste entre la tourmente de Didon et le reste de la vie de son royaume. Pour la première idée, il s’agit ici de bien voir qu’elle est tellement désespérée qu’elle s’interroge sur l’amour de cet enfant, comme si l’amour d’Enée passait avant tout. En quelque sorte, on mesure son amour pour lui et son désespoir à l’aune de l’amour maternel et normalement naturellement très fort qu’elle doit porter à son fils ; c’est une sorte d’indicateur. C’est la relation à l’enfant qui est interrogée ici : amour naturel d’une mère pour son fils, renforcé par l’amour voué au père, mais aussi image terrible qui renvoie à cet amour envolé, et qui appuie la tristesse, conforte dans le désespoir. Pour la comparaison de la fin du texte, il s’agit de rappeler que Didon est quand même reine d’un pays, mais que toutes les affaires du pays (les constructions, la jeunesse, les finances, l’avenir tout simplement) si importantes en elles-mêmes paraissent ici bien petites. Pour accentuer cet effet, Virgile utilise ici des phrases plus courtes, sèches, des mots plus concrets, plus démunis, sans sentiment, ce qui fait que le contraste est saisissant et que tous ces problèmes à la base importants paraissent très vite être alors de petits riens. Cette image du soir qui arrive, de la journée qui se couche, notamment avec l’arrêt des travaux de construction, montre aussi que les plus grands projets peuvent avoir des temps d’arrêt, c’est tout à fait normal, notamment la nuit très basiquement, et c’est aussi en cela que le désespoir et la situation de Didon sont tragiques : cela ne s’arrête jamais.

Voilà pour les idées essentielles à creuser ; pour les moyens stylistiques, on a essentiellement ici à faire à des actualisations / présents de narration, mais aussi comparaisons / métaphores filées et des oppositions de style (style très personnel et larmoyant plein d’émotions pour parler de Didon directement ; style au contraire dur, simple, épuré, descriptif des faits sans sentiment en fait dans la dernière comparaison).

Pour le plan, on peut envisager une lecture analytique en trois points, à partir de ces différentes idées à creuser (et répondant au titre du passage, qui est toujours une bonne indication, pour savoir ce que doit, au final, faire ressortir la lecture analytique):

1) Didon ou la description vivante d’un véritable désespoir amoureux : une image de biche proche de la mort (violente), une femme résignée, seule dans le noir, en fin de journée / de vie. Un tableau noir et triste.

2) Au-delà de cette description, des éléments qui expliquent l’amplitude du drame : un royaume à gérer en parallèle, une part de divin dans cette histoire (notamment à cause de qui est Enée), un espoir qui n’est plus permis, la figure quotidienne d’un enfant qui est aussi celui de l’homme aimé qui n’est plus là et cause toute cette souffrance.

3) Une présentation de Virgile qui accentue l’impression de véritable « ravage » : en plus des éléments tangibles et plus objectifs cités ci-dessus, on voit en toile de fond que tout s’acharne contre elle, que tout le reste, aussi important ou dramatique que celui puisse être, l’est toujours un peu moins que cette situation de la reine de Carthage. La situation en elle-même est dramatique, mais encore renforcée par les comparaisons.

D’où une possible conclusion pour cette lecture : Didon est certes ravagée par la passion, par cet amour parti, mais dans la version de Virgile, cela vient autant (si ce n’est plus) des faits en eux-mêmes que de leur comparaison à tous les autres éléments du contexte de la vie de Didon. C’est surtout ainsi qu’il peut dépeindre, décrire et justifier ce ravage, autant par la comparaison au reste que par les faits de base, mais c’est bien d’un destin d’exception, celui d’une reine liée aux dieux eux-mêmes, dont il est question ici …

En espérant vous avoir éclairé sur l’étude de ce passage, je vous souhaite bon courage dans votre préparation.
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