en une : Le raisonnement par récurrence

Besoin d'aide pour une dissertation

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 23/02/2008 - correction
                
Bonjour,

Tout d’abord, félicitations pour votre démarche, c’est courageux et bien inspiré ! Vous avez tout à fait raison, c’est la méthode alliée à l’expérience qui permet d’être de plus en plus performant. Passer un peu de temps à tête reposée pour affronter les difficultés et gérer ensuite bien mieux en temps limité est une bonne tactique.

La première chose à faire dans une dissertation est de définir les mots du sujet pour ensuite en définir les limites. Dans votre cas, c’est assez simple, c’est plutôt la formulation qui est complexe. En effet, le postulat de départ est qu’on ne peut concevoir Sganarelle sans Dom Juan et réciproquement. Cela signifie qu’en enlever un enlève tout intérêt, qu’ils sont extrêmement complémentaires, et que ce n’est que par leur alliance constante que Molière peut atteindre ses buts de dénonciation. Il faut donc voir dans l’½uvre bien sûr, pourquoi ils sont inséparables, les liens qui les unissent dans les histoires et dans leurs personnalités, caractères etc. mais aussi dans la stratégie, les buts poursuivis par Molière (voir comment Molière met en scène ce couple complémentaire et très lié pour dénoncer ce qu’il veut dénoncer, faire passer ses messages etc.). En résumé, il faut bien sûr aller regarder du côté de l’½uvre en elle-même, mais aussi du côté du point de vue et des volontés de l’auteur. C’est le sens de la première question qui demande d’étudier les liens qui les unissent. Mais la question est complexifiée par la reformulation de la question à l’aide de l’expression « couple sublime ». Bien sûr, il faut revenir sur le terme « couple », mais c’est finalement assez simple : c’est une comparaison ; ils ne sont pas un couple amoureux, mais un couple dans l’aventure et dans la vie. Ils ne recherchent pas l’amour avant tout (Dom Juan cherche juste à séduire) mais autre chose, et cette autre chose, ils la vivent tous les deux, comme un couple qui veut vivre une vie amoureuse et de famille pour s’épanouir. Eux sont plus dans la manipulation, le pouvoir, l’assouvissement d’autres volontés et sentiments et la recherchent ensemble. C’est plutôt en fait sur le mot « sublime » qu’il faut s’arrêter et creuser un peu : ce qualificatif vient-il de la réussite de leurs exploits dans la pièce ? de la façon dont ils sont décrits, positivement et de façon enviable, par Molière ? Là encore, c’est sûrement un mélange entre des arguments liés à la pièce elle-même et des arguments plus liés à ce qu’il y a derrière (les volontés de Molière, ses volontés, les messages de la pièce). Une seconde question est de savoir si les liens identifiés contribuent à la beauté de la pièce. On est alors dans une discussion dialectique (thèse/antithèse/synthèse : oui/non/réponse plus synthétique et consensuelle). Habituellement, dans une dissertation, il n’y a qu’une question. Classiquement, vous auriez soit la question des liens, soit la seconde question. Si c’était le premier sujet, vous chercheriez les grands types de lien qui les lient et chaque grand type de liens constituerait une grande partie. Si c’était simplement le second sujet, vous adopteriez alors un plan dialectique encore une fois : vous analyseriez les deux positions (oui/non) avant de pouvoir du coup proposer une solution médiane, en expliquant comment on doit profondément comprendre ce jugement, quels sont les éléments précis à prendre en compte etc. Il faut aussi définir la beauté : est-ce une beauté purement liée au style de l’écriture, à la forme, au plaisir de lecture ? à la beauté des relations humaines qui transparaissent ? au côté artistique ou au côté profond dû aux idées ? … sûrement, comme d’habitude, un mélange de tous ces points et d’autres ; il faut aussi analyser cette beauté ou non-beauté selon ces différents critères. Très souvent dans les dissertations, les insuffisances viennent du fait que l’on s’arrête au sens le plus classique et habituel des mots ; or il faut prendre le temps de voir toutes leurs facettes, tous les aspects, et l’on voit alors que la réponse est plus complexe qu’il n’y paraît, un mélange de plusieurs notions, qu’il faut combiner plusieurs aspects ; c’est souvent ainsi qu’on arrive à mettre complètement en lumière la signification d’une citation, et c’est vraiment ce que l’on attend en dissertation. C’est vraiment une base de la méthode de dissertation.

Ici, il faut donc relier les deux problématiques (car dans l’introduction, vous devez malgré tout n’avoir toujours qu’une seule problématique !). Lier les deux problèmes aboutit à quelque chose du genre : « les liens qui unissent le couple sublime formé par Sganarelle et Dom Juan contribuent-ils à la beauté ? » (et dans tous les cas, au moins pour la partie ‘oui’, il faudra aussi dire comment).

Dans une introduction, vous devez adopter le plan un peu conventionnel suivant :
- amener le sujet à partir de quelque chose de plus global (le théâtre de Molière au XVIIème siècle par exemple et ses dénonciations ou ses galeries de personnages ou les traditionnels couples maîtres/valets dont ils constituent un exemple bien singulier) ;
- définir précisément les mots du sujet et sa construction pour poser précisément les limites, le champ du sujet (cela permet de dire clairement dès le début de quoi l’on va parler, dans quelles directions on va partir, et dans quelles directions on n’aira pas du tout, car c’est hors sujet) ;
- annoncer la problématique (sous forme de question) ;
- annoncer le plan.

Ici, il faut du coup aboutir à un plan un peu différent que celui d’un sujet classique (le but du plan est de vous permettre d’amener logiquement et de façon structurée vos idées, il n’est pas une fin en soir ; le principal est que votre plan soit logique et progressif, aille du plus global et simple au plus fin et complexe et couvre tous les sujets ; il ne doit pas non plus être une « obsession », c’est en fait avant tout un moyen ; on juge surtout votre capacité à argumenter, trouver de bons exemples et apporter au final une vraie réponse réfléchie, le tout bien écrit). On pourrait donc envisager ceci :

1) les différents types de liens qui les unissent : des liens maîtres/valets assez classiques à la base (autorité/obéissance, admiration/attente d’admiration etc.), des liens ensuite plus complexes liés à leur situation : ils ont aussi besoin l’un de l’autre (l’un pour être nourri, l’autre pour avoir une aide pour monter ses coups amoureux et de séduction, sorte d’aide logistique, mais aussi besoin de conseils, qui vont parfois à l’encontre de ses idées, mais dont il a besoin pour se remettre en cause et progresser). Ils ont des attentes différentes de la vie mais complémentaires, ils ont donc besoin l’un de l’autre : liens d’estime, liens de nécessité, liens d’intérêt, liens d’amitié au final quand même (même si c’est une amitié particulière, mi-intéressée mi-difficile à saisir quand même).
2) des liens qui ne contribuent pas vraiment à la beauté de l’½uvre : on peut revenir sur les liens les moins positifs (besoin, utilisation, intérêt etc.), mais aussi cherche ce qui fait vraiment la beauté de l’½uvre (l’écriture par exemple, ou l’histoire en elle-même), montrer que les liens ne sont qu’un moyen, et qu’ils ne sont là que pour appuyer les défauts, les critiques que dénoncent Molière et que la beauté de la pièce est ailleurs ;
3) des liens qui contribuent à la beauté de l’½uvre : pourtant, ces liens sont quand même très beaux ; déjà parce qu’il y a au fond des liens profonds et beaux : au-delà du pur intérêt, il y a quand même quelque chose de beaux derrière ces relations apparemment malsaines ; la beauté est aussi dans tout ce que ces liens suggèrent : les événements qu’ils amènent dans l’histoire, la sincérité de Sganarelle et son intelligence, ce que ces liens démontrent et laissent transparaître des relations humaines etc.

Bien sûr, il faut ensuite ordonner tout cela dans chaque partie pour avoir des sous-parties, elles aussi progressives, et ne pas oublier de ménager des transitions entre grandes parties, pour montrer comment on passe logiquement de l’une à l’autre. En conclusion, vous pouvez donc par exemple montrer que ces liens si particuliers sont, beauté ou pas après tout, un des piliers de l’½uvre, de son succès et notamment du succès de la transmission des critiques qu’on y trouve.

Un sujet pas évident donc pour une approche de la dissertation ; au-delà du plan et de la double question, concentrez-vous donc peut-être plutôt dans un premier temps sur les réponses en elle-même : développez la recherche sur les liens que nous avons évoqués dans l’½uvre, voyez ce qu’il en est en terme de beauté etc. Peu importe dans un premier temps que vos réponses ne soient pas complètement ordonnées, il faut d’abord aller au fond des réflexions sur l’½uvre, l’ordonnancement vient ensuite.

Concernant votre introduction, je vous renvoie également au point méthode ci-dessus. Dans l’état actuel, il manque l’introduction générale, mais vous avez l’amorce, la transition vers votre sujet. Il faut continuer par la mise en contexte, la définition des mots et des limites du sujet, puis problématique et plan.

Voilà donc pour quelques éléments pour vous permettre de continuer votre réflexion ; comme vous le voyez, la dissertation est aussi surtout une question de méthode à suivre, c’est pourquoi j’ai beaucoup insisté sur ce point. En étant rigoureux et en travaillant ensuite les ½uvres ou les thèmes, il n’y a pas de raison de ne pas réussir ce type d’exercice, le jour de l’examen notamment.

Sur ce, je vous souhaite bon courage, bonne continuation et bonne préparation pour l’épreuve finale en juin.
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