en une : Le lexique de français

Devoir d'invention

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 31/12/2007 - correction
                
Bonjour,

Tout d’abord, bravo pour votre analyse préliminaire : vous avez bien décortiqué le sujet, avez balayé tous les éléments de méthode et surtout avez repéré les pièges à éviter ! C’est très bien, vous avez déjà une bonne vision de ce qu’il faut faire et ne faut pas faire. C’est exactement par là qu’il faut commencer le jour de l’examen ; ce temps n’est pas perdu, au contraire, il vous évite du stress avec beaucoup de questionnements sur ce que vous avez fait et ce qu’on vous demandait à la dernière minute. Par rapport à votre demande, il ne nous est pas possible de vous fournir un exemple de corrigé intégralement rédigé ; notre but est en effet de vous aider à avancer et à produire un travail personnel et de qualité. Ce que je vous propose donc ici c’est de répondre à vos questions, de reprendre vos différents points d’analyse et de voir comment construire (plan, arguments etc.) une écriture possible. Ceci fait, vous aurez alors les clefs je pense pour rédiger votre devoir et vous pourrez ensuite, si vous le souhaitez, soumettre cette rédaction dans une nouvelle question de correction ; vous aurez alors des remarques personnalisées sur votre rédaction avec propositions de corrections etc. et cela vous sera plus profitable qu’un corrigé type dont vous inspirer.

Par rapport à l’analyse initiale, il faut effectivement écrire une scène de théâtre avec tout l’entourage de forme habituel : nombre et citation des personnages (sur ce point, je crois que le plus simple, efficace et le moins risqué en l’absence de toute autre consigne et de reprendre le même nombre de personnages : autant d’hommes que de maîtres, de femmes que d’esclaves), indication de lieu et temps au début de la scène (même si cela va être assez semblable malgré tout à la scène initiale). Il faut garder bien sûr dans la forme la présentation habituelle des scènes de théâtre, et notamment les didascalies en italique en début de réplique pour indiquer des éventuelles façons de jouer, des déplacements etc. Par rapport à votre analyse initiale, je rajouterai simplement qu’il faut bien faire attention à ne pas être simplement dans un dialogue argumentatif, mais bien dans une scène de théâtre : on n’a pas simplement un enchaînement de répliques mais aussi des indications sur le ton, les déplacements, le jeu avec les objets et accessoires, l’occupation de la scène, les éventuelles sorties temporaires etc. Le comique et surtout la persuasion viennent en effet aussi parfois des attitudes et des situations au-delà des répliques et des discours plus formellement construits. Ce n’est pas très facile forcément à mettre en ½uvre, mais il faudra essayer au moins une ou deux fois dans votre écriture d’invention de jouer sur ce sujet. Le tout effectivement dans un français de 2008, puisqu’il s’agit d’un débat contemporain sur la place des femmes dans notre société. Voilà globalement pour la forme et les points à traiter soigneusement : vous avez identifié les principaux, il faut simplement aussi étudier avec précision les didascalies et autres jeux de scène, en fait tout ce qui concerne une scène de théâtre hors les dialogues.

Par rapport à votre question de la définition et présentation des personnages, il faut en effet je crois avoir des situations, sociales, notamment, voire aussi d’âge, car la génération est aussi un facteur influent (avec du coup possibilité de parler de l’évolution du problème entre les deux dernières générations par exemple). Vous pouvez a minima par exemple prendre une femme cadre supérieur et une femme au foyer, pour faire simple : vous aurez des arguments plus divers à mettre en avant. Pour les introduire, vous avez deux choix : soit effectivement, vous écrivez un chapeau en italique en début de scène qui précise, outre le lieu, la temporalité et l’identité des personnages, tous les détails sociaux et personnels nécessaires à situer les personnages, soit vous n’abordez pas ce dernier point dans l’italique de début de scène et vous abordez ces points via les premières répliques en faisant comprendre par le dialogue qui est qui et qui fait quoi. Là encore, vous voyez qu’il n’y a pas de solution idéale : tout dépend de ce que vous allez dire, et surtout comment vous allez le dire, le présenter, l’amener. C’est pour cela qu’un corrigé, même juste pour s’en inspirer, ne me paraît pas la meilleure des choses : il vaut mieux pour vous choisir l’un des deux procédés, le travailler pour le mettre par écrit et que nous voyons ensuite comment on peut éventuellement l’améliorer ou le réorienter. Deux personnes ayant choisi le même procédé pourront avoir des notes très différentes en fonction de l’adresse et la précision de l’écriture, et deux personnes ayant choisi des moyens différents obtenir deux excellentes notes, car le tout est fin, bien amené, bien écrit. Sur ce point, tout dépend donc de vos sensibilités, de votre choix personnel d’argumentation. On ne juge pas vos idées dans l’absolu, on juge d’abord votre capacité à les ordonner, à argumenter, à convaincre. Pour le piège à éviter des clichés de fond, c’est bien d’en être conscient, cela évite des déconvenues pour la suite. Par contre, vous pouvez à la limite en jouer, en commençant par aborder des thèmes un peu cliché pour faire sourire et faire prendre conscience des problèmes (surtout que ces clichés n’en sont pas toujours et qu’ils reflètent parfois des problèmes localement encore bien présents aujourd’hui ; à condition de le faire assez finement comme toujours bien sûr, ce peut être un moyen drôle et léger – ce qui s’inscrit bien dans les pratiques de Marivaux et de ce genre de pièces – pour aborder le sujet plus gravement).

Voilà pour la forme ; pour ce qui est du fond, je vous laisse choisir les caractéristiques précises de vos personnages, mais je vous propose de voir comment construire cette scène (c’est une façon possible) du point de vue des arguments ; libre à vous ensuite de les adapter à votre convenance en fonction des personnages et situations choisies et de vos idées. Encore une fois, pour les idées, il n’est pas question d’écrire une suite d’idées convenues et de clichés tout prêts mais pour la réflexion, ils peuvent constituer un bon point de départ, car en creusant un peu, ils peuvent amener de vrais problèmes de fond. Pour votre interrogation sur votre référence à « l’Ingénu », vous pouvez bien sûr vous y référer pour des idées d’arguments ou autres, on ne peut que vous encouragez à réinvestir toujours ce que vous avez appris ailleurs, mais il faut quand même rester centré sur le sujet et la transposition du texte initial. Cela doit donc rester une source d’inspiration et de réflexion parmi d’autres je crois, sans plus.

Pour un plan avec progression possible, voici ce que je vous propose :

1) Il faut planter le décor et amener la discussion, trouver un prétexte déclencheur (par exemple, un des hommes peut demander quelque chose à sa femme, sur un ton qu’elle interprète comme « fais-moi ça, puisque tu es la bonne de la maison ». S’en suit alors un début de colère de la femme qui débouche sur des revendications et reproches et le dialogue s’engage (c’est une idée finalement simple, mais qui peut être dans les procédés théâtraux classiques, à vous de voir ; en tout cas, il faut, même brièvement, amener le discours, même par un élément narratif très court).

2) Première série de revendications, plutôt simples et qui en découlent logiquement : la façon dont sont considérés les femmes depuis toujours, presque historiquement : une position inférieure à celle des hommes, il est normal qu’elles fassent toutes les tâches du foyer, que le mari décide plutôt que fasse dans la maison etc., qu’il existe même des domaines réservés, des séparations d’activité (la voiture, le jardin / le ménage, le linge). Certes, on peut tomber comme vous le disiez dans les clichés et préjugés, ce qu’il fait éviter, mais encore une fois, cela dépend avant tout de la façon dont vous abordez et présentez les choses, dont vous les rédigez. Le but, ici, est d’amener le débat progressivement, logiquement, et au départ ce genre de conversations part toujours de faits précis, banaux, quotidiens. Il y a de multiples façons de prendre des angles qui permettent d’éviter les lieux communs ou les clichés : vision historique de la condition féminine (avec même des exemples : pourquoi si peu de femmes chefs d’Etat ? exemples de Cléopâtre comme de la politique actuelle, avec des pays scandinaves plus en avance que nous sur ce point : nombreux sont ceux à avoir des présidentes etc. Dans une écriture d’invention, vous devez aussi montrer votre valeur ajoutée via votre culture personnelle, en citant des exemples littéraires ou historiques notamment, en montrant que vous savez des choses et savez les utiliser à bon escient, pas juste en restant dans la narration de simple roman, bien écrite, mais sans réflexion profonde derrière ; c’est un peu le piège de cet exercice, il faut savoir montrer une vraie valeur ajoutée dans les arguments, les exemples, la réflexion : l’utilisation d’exemples précis comme l’historique des femmes qui accèdent au pouvoir ou au contraire les images véhiculées par la littérature classique, de madame Bovary aux personnages féminins de Molière, doit vous permettre d’aller plus loin dans la réflexion. Une réflexion poussée sur les apparents clichés de base sera toujours la bienvenue). Vous pouvez donc facilement je crois dévier dans ce premier paragraphe de fond sur la dénonciation d’une condition sur le plan personnel et social qui remonte loin, exemples historiques à l’appui. Cette partie doit quand même ne pas être la plus importante, car vu le sujet il va surtout falloir insister sur les revendications, mais vous avez ici une entrée en matière intéressante et progressive … et le fait de vouloir que des choses veilles de plusieurs siècles change est aussi une revendication !

3) Ensuite, il faut aborder les revendications ; encore une fois, vous aurez peut-être l’impression au début d’être dans l’image toute faite, mais votre approche, votre analyse, qui feront la différence :
- volonté d’accéder aux mêmes postes à responsabilité dans les entreprises que les hommes, aux mêmes salaires (là encore, vous pouvez prendre des exemples ; cela peut aller jusqu’aux postes de PDG) : elles revendiquent donc l’égalité hommes/femmes dans la vie professionnelle, du salaire à la considération (elles ont les mêmes compétences, font les mêmes Ecoles etc. et ont même des avis différents, des sensibilités différentes : elles sont en général notamment très appréciées pour ces qualités et leur minutie dans les fonction de communication et relation client, ainsi que contrôle et assurance qualité, mais aussi au marketing, où elles apportent une vision différente des hommes de ce que veulent les clients et les clientes etc.) ;
- elles veulent aussi très logiquement être considérées comme des femmes à part entière, avec plusieurs facettes : femme – mère- professionnelle, et par exemple, ne plus être culpabilisée de se consacrer par moment plus à leur carrière qu’à leurs enfants ou de demander à leurs maris de réduire eux aussi leur progression salariale pour mieux partager la réussite et les tâches du foyer etc. Ces deux séries d’arguments vous permettent d’aborder les deux grands volets de revendications je pense : professionnel puis personnel avec cette liaison via l’équilibre souhaitée entre les deux et des ambitions sur les deux tableaux. En terme de plan, je pense qu’avec cette transition, vous pouvez traiter d’abord par exemple du plan professionnel puis du plan personnel ; je vous ai donné quelques idées, je pense qu’il vous faut en choisir deux ou trois principales pour chaque plan et les développer plus précisément, et garder quelques arguments brefs, secondaires, pour alimenter le débat. En effet, n’oubliez pas que c’est un débat : les hommes vont donc devoir se défendre, contre-attaquer ; il faudra donc les faire intervenir pour avancer des arguments, parfois risibles peut-être, à vous de voir, mais au moins quelques fois bien construits et opposables, afin de faire répondre les femmes avec des arguments encore plus forts ; il faut qu’il y ait échange, débat, escalade, gradation dans les arguments ;

4) Enfin, il faut conclure proprement, pas abruptement sur un dénouement qui n’en est pas un, cela laisserait une impression de « pas fini », négative. Comme fin, on peut imaginer que les femmes se concentrent finalement sur un point, qu’elles tentent de faire admettre aux hommes et elles proposent alors une évolution des comportements dans ce domaine, en disant qu’elles vont surveiller cela et qu’ils en reparleront. On peut aussi imaginer une riposte des hommes pourquoi pas, qui peut même déboucher sur des concessions réciproques, avec une action concrète, une évolution de chaque côté. Il ne faut juste pas conclure le devoir sur un argument seul ; il faut donner une vision synthétique des principaux points défendus pour rappel et trouver une « porte de sortie » : la concession en est une, puisqu’il faut avant rappeler les points les plus importants abordés et se concentrait qui soit relativement symbolique. Il faut clore l’échange par un fait ou une concession de principe au moins pour donner un aspect fini à votre devoir (la pièce est censée se poursuivre, ce peut aussi être un événement perturbateur qui les oblige à repousser la fin précise de la conversation à plus tard). Mais il faut un début qui amène le débat et une fin assez synthétique, cela met en valeur en vos arguments et donne une impression d’achevé, de prise en compte intégrale des contraintes du sujet, comme les didascalies, jeux de scène etc.). Vous ne donnez pas l’impression de juste enchaîner les répliques avec des arguments et exemples qui se substitueraient à un essai habituel, mais que vous avez pleinement joué le jeu, en écrivant et en inventant dans une forme littéraire bien définie.

Voilà pour quelques conseils de fond et de forme et idées pour aborder complètement le sujet ; vous avez le canevas pour rédiger maintenant en fonction de vos idées propres également. Il n’est pas anormal que cela vous paraisse difficile, les écritures d’invention ne sont pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les sujets les plus faciles d’accès, mais il faut se lancer à l’eau, oser et cela vous sera grandement utile en terme de progression pour la suite ; il faut parfois perdre un peu de temps au début, être un peu moins rapide, mais cela est un investissement pour la suite, une garantie de s’être confronté aux difficultés avant le jour J et de mieux les aborder ce jour-là. Votre analyse préliminaire prouve que vous êtes tout à fait capable de bien appréhender et conduire ce sujet. Si vous le voulez, vous pourrez donc ensuite nous soumettre votre rédaction, et obtenir un avis personnalisé dessus, avec des remarques et propositions de correction de votre rédaction.

Je vous souhaite bon courage pour la suite de votre travail.
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