en une : Le lexique de français

Pourriez-vous me fournir svp un corrigé du commentaire composé des buddenbrook de thomas mann correpondant à la mort de thomas (dixième partie, chapitre 7) ?

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 21/12/2007 - correction
                
Bonjour,

Merci beaucoup pour le texte et les précisions. Merci aussi pour vos idées de départ, c’est bien d’y avoir déjà réfléchi, nous allons voir comment intégrer tout cela dans un commentaire plus global. Tout d’abord, il faut quand même bien dire que ce texte est très long pour un commentaire composé ! Vous ne pourrez pas citer tout le texte, morceau par morceau, comme cela est normalement le cas dans un commentaire composé habituel ; il va donc falloir faire des choix et faire ressortir les passages les plus significatifs à chaque étape, ce qui ajoute ici une difficulté supplémentaire, nous verrons ensuite comment essayer d’y remédier.

Le but du commentaire composé est donc de trouver deux ou trois axes de lecture qui permettent de faire une lecture exhaustive du passage ; ils doivent être agencés dans un ordre logique et progressif, puisqu’il faut toujours aller du plus général, plus évident, au plus précis, plus recherché. De plus, vous devez aussi constamment allier fond et forme : vous devez rechercher les indices de forme (temps, figures de style etc.) et les interpréter, texte à l’appui, en termes d’idées, de messages, d’arguments (en quoi une métaphore par exemple permet-elle de faire passer telle ou telle idée ?). Voilà pour la méthode globale. Pour l’introduction, il faut adopter le plan suivant :
- situer le passage dans l’½uvre d’un point de vue de l’histoire mais aussi des messages forts (quel est le message principal de l’½uvre ? comment est-il rendu ici ? est-on dans un passage déterminant ? quel est le rôle de ce passage dans l’économie générale du livre ?) ;
- poser rapidement la problématique du passage, rapide résumé et but de l’auteur ici ;
- annoncer votre plan, i.e vos axes de lecture.

Situer le texte proposé dans le reste de l’½uvre est vraiment une étape essentielle au-delà de l’étape formelle de l’introduction. Déjà cela peut vous éviter des contresens par rapport à ce qui précède ou va suivre dans le reste de l’½uvre ; de plus, cela peut souvent vous donner des idées d’axes de lecture ou du moins des idées d’arguments à développer absolument. Par exemple, le but du roman de T. Mann est globalement de montrer la déchéance d’une famille bourgeoise qui présente pourtant a priori toutes les qualités requises : cette notion de déchéance doit se retrouver à un moment ou un autre dans votre commentaire ; de même, vous devez positionner cet épisode de déchéance (une mort mystérieuse quand même à la suite d’une rage de dent, qui apparaît comme une atroce souffrance et une pourriture de l’être humain de l’intérieur, une déchéance physique totale, annoncée comme vous l’avez très bien vu par l’image de la mise à mort des poissons sur le marché : la comparaison est significative à plus d’un titre) par rapport à tous les autres : y aura-t-il encore après ? est-ce un signe annonciateur simplement ou déjà un état bien avancé ? etc. Retenez aussi que lorsque vous commentez des passages d’½uvre à thème, message majeur aussi fort, il peut aussi être intéressant, efficace et relativement facile de trouver un plan qui commence par s’intéresser aux aspects très locaux du passage (situation d’énonciation, description, personnages et épisodes dans ce contexte précis) et ensuite de regarder plus globalement les messages importants qui sont passés ici, dans le cadre de l’économie de l’½uvre. En plus, ce type de plan répond tout à fait à l’exigence de progression logique et rhétorique du plan et doit normalement vous permettre de repérer pour chaque axe les indices de forme et de les interpréter ensuite dans un cadre bien fixé à chaque fois. C’est cette démarche que je vous propose de mettre en ½uvre ici, d’autant plus qu’encore une fois le texte est long et que tout ne peut pas être cité : il faut donc montrer plusieurs niveaux de lecture, d’importance des différents éléments du texte et ne citer que quelques extraits pour chacun, de façon à montrer clairement les hiérarchisations identifiées.

Voici donc une proposition de plan possible, à affiner en fonction de vos propres idées et vues :

1) la description d’une scène populaire de l’Allemagne de la fin du XIXème siècle : c’est essentiellement toute la première partie : le marché est le lieu populaire par excellence, image fidèle de la société ; le froid et la neige font l’objet d’une métaphore filée : ces rudes conditions climatiques (y compris le caractère « frais » du poisson) sont un écho direct aux conditions de vie tout court, difficiles elles aussi, et pas seulement climatiquement, mais aussi socialement ; on a aussi l’image des marchandes de poisson et leurs clientes les cuisinières qui est à étudier en ce sens (on est aussi dans la spontanéité la plus totale, la vie comme elle est, dure, simple, qui se vit instant après instant : c’est aussi l’image de la façon dont sont tués les poissons, cette image vous le voyez est très riche et peut être étudiée et interprétée à plusieurs titres) ; de même, pour l’image de « l’animation de la rue » (ça grouille, c’est la vie de la rue). Dans toute cette première partie, vous devez vous concentrer sur le contexte particulier à la scène et son aspect très populaire, spontané, voir tous les indices, qui vont ensuite bien sûr fortement contraster avec la description du monde bourgeois ;

2) en parallèle, on a aussi la description d’un monde bourgeois très codifié, strict, où tout est réglé, prévu : il faudra en transition bien faire ressortir cette opposition (qui finira par s’estomper dans la troisième partie, nous le verrons par la suite). Cette étude doit se concentrer sur les personnages : la bourgeoisie est raillée à travers la description de personnages marionnettes au final : les enfants qui sortent de l’école avec leurs habits d’autres pays mais qui constituent un code rigide même s’il en est presque ridicule ; la figure du perroquet qui répète bêtement en singeant dentiste et patient, ce qui met en lumière le côté théâtral, faux et mécanique de ces personnages ; même impression chez les gardes qui font la ronde devant le sénat (voyez par exemple, la façon dont ils se croisent à un moment) ; on a aussi l’ancien négociant de vin qui fait tout pour avoir l’air débordé jusqu’à aller gesticuler pour brasser du vent à la bourse ou devenir directeur des bains publics, activité justement qui contraste complètement avec la notion d’agitation, d’occupation, de surmenage au travail, puisque les bains représentent la détente ! Voici donc pour quelques éléments principaux de cet axe : vous devez vous centrer sur les faits et gestes et caractères de ces quelques personnages et vous aurez déjà largement de quoi alimenter cette partie (il y a un gros travail sur les comparaisons, le mimétisme comme avec le perroquet etc.). Pour les citations, essayez de choisir quelques courts extraits pour chaque personnage : cette diversité appuiera votre propos.

3) enfin, la dernière partie se concentrera sur la déchéance de la famille Buddenbrook dans ce monde bourgeois à partir de l’exemple de la mort du sénateur Thomas : cette mort est vraiment un signe de déchéance totale à cause des conditions dans lesquelles elle se déroule : elle part d’une rage de dent, qui met ensuite en lumière chez le dentiste une sorte de pourriture intérieure, une attaque de l’intérieur, à laquelle le dentiste ne semble pas vraiment prêt à s’attaquer (impression de renoncement, d’abandon), mort dans la rue dans des conditions presque comiques au final, vu la façon dont il tombe et meurt, images des passants qui attendent, comme au spectacle, sa chute complète avant d’aller le voir par terre : nouvel abandon : on a beau être sénateur d’une grande famille, lorsqu’on meurt dans la rue ainsi, on meut aussi seul et aussi mal que les autres … Finalement, la frontière qui avait été mise au début entre ces deux mondes s’estompe (d’ailleurs, elle est assez nette dans le texte : changement de paragraphe sans réelle transition, description versus dialogue etc.) : la mort de Thomas est comme vous le disiez comparable à celle des poissons : la déchéance peut atteindre tout le monde, y compris cette famille, dont le statut est une construction, et donc aussi fragile.

Ce point des frontières qui au final s’estompent pour montrer la déchéance de la famille peut constituer votre conclusion. L’avantage est qu’avec cette idée forte en fin de commentaire, vous montrez que vous avez réellement fait une lecture construite, personnelle et complète de l’extrait en dégageant une interprétation forte à la fin. A vous ensuite d’affiner donc ce plan, de voir comment classer les idées au sein des axes, toujours en étant progressif. Et bien sûr, il reste les habituels conseils de forme que vous connaissez : soignez les transitions, l’orthographe, le style, insérez les situations dans vos phrases entre guillemets, soignez la conclusion, dernière impression du correcteur (idée finale et éventuellement ouverture sur la suite de l’½uvre : comment cette idée va se confirmer par la suite par exemple).

Ce texte est long et pas si évident à interpréter malgré la relative facilité de la langue écrite utilisée ; j’espère vous avoir aidé à voir comment on peut malgré tout déployer la méthode de l’exercice sur ce cas et construire un plan progressif, répondant aux exigences du genre. Le reste est toujours affaire bien sûr de qualité des interprétations (mais sur ce point, vous me paraissez bien parti) et de qualité stylistique.

Sur ces derniers points, je vous souhaite un bon travail de rédaction … et de très bonnes fêtes de fin d’année !
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