en une : Le lexique de français

Quel plan peut correspondre au commentaire de ce poème?

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 15/12/2007 - correction
                
Bonjour,

Ce texte de Baudelaire est effectivement d’une grande beauté littéraire, mais peut-être un peu difficile à comprendre profondément dans un premier temps. Toutefois, d’un point de vue méthodologique, sachez que le commentaire composé de poème obéit aux mêmes règles et conseils que le commentaire composé de n’importe quel autre texte. Il s’agit aussi effectivement de trouver deux ou trois axes de lecture, et de lier dans chacun d’eux dans votre étude, fond et forme. De ce point de vue, vous avez déjà établi un certain nombre de points intéressants, sur ces deux plans. Votre remarque sur les allitérations en ‘r’ par exemple est excellente ; il va simplement vous falloir la lier avec un argument de fond : pourquoi cette allitération ? que reflète-elle comme sentiment ? que traduit-elle ? Cela donne un côté dur et très réel à la situation : cette consonne dure reflète la souffrance, le froid, la difficulté et fait directement écho à ce que recouvrent justement des mots en ‘r’ comme « mortalité », « brumeux » ou « froid ». C’est sur ce type d’arguments, qui lient fond et forme directement que vous devez vous appuyer pour construire le plan. Vous l’avez déjà fait en grand partie pour les allitérations en ‘l’ cette fois : ici, on est dans des idées plus douces, plus chaudes, des sentiments plus intimes et plus positifs à la fois. Je vous disais que la méthode de commentaire pour un poème reste la même, mais à la limite son application est presque plus facile. En effet, il y a la difficulté première de la compréhension du texte, de par la forme un spécifique et le lexique souvent c’est vrai. Mais ensuite, vous pouvez identifier plus facilement je pense à l’aide de vos cours de nombreux traits stylistiques : formes du poème (ici, par exemple des quatrains), type de rimes (pauvres, riches etc.), assonances et allitérations comme vous l’avez bien vu ici etc. En effet, pour chacun de ces traits stylistiques, vous pouvez y associer une idée forte ; dans notre premier exemple, nous avons vu la réalité et la dureté des sentiments évoqués dans un cadre automnal, hivernal, difficile et rude. L’exemple suivant vous donne une autre idée forte etc. Cela vous facilite le travail pour la suite, car ainsi vous avez les différentes idées majeures du texte avec directement les faits de forme associés au fond pour rédiger par la suite.

Ainsi, vous pouvez ensuite rassembler ces idées en grandes parties et les compléter par des idées plus générales sur le texte ; le but est de donner une lecture exhaustive et progressive du texte. Je vous laisse reprendre les points de forme et de fond et lister ces idées pour voir comment on peut construire un plan, mais dans l’immédiat je vous propose de revenir sur la compréhension du texte pour construire un plan justement. Vous pourrez alors croiser ce plan avec votre propre raisonnement et y associer les points de forme à partir de votre travail précédent. Ce poème est en effet très mélancolique comme vous le soulignez et s’appuie au départ sur des faits, des ressentis, des sensations tous très réels et réalistes ; ce n’est qu’ensuite, au fil des divagations multiples que la réalité et l’irréel vont se mêler (quand les formes des animaux par exemple deviennent plus fous, peu à peu fantomatiques), et que l’on va alors rentrer dans le spleen profond de l’âme comme sait le décrire Baudelaire. Il faudra d’une façon ou d’une autre rendre ce mouvement progressif, cette évolution dans le spleen dans votre plan. Par rapport à ce que vous indiquez, vous avez bien vu les premiers aspects de la mélancolie, qui se rattachent à des choses très concrètes de l’environnement (cf. allitérations et assonances, ces points, dans ce poème, doivent être vraiment étudiés avec précision). Votre point « description de l’environnement » y est directement relié. Quant aux autres points que vous évoquez, ils sont justes, mais vous êtes trop resté centré sur l’humain et le réel, or très vite, des figures moins réelles, plus fantomatiques se dessinent et intègrent le décor, et justement tout n’est alors plus humain, le spleen devient plus mental, plus en dehors du monde, c’est quelque chose de très fort, de l’ordre du sentiment, qui submerge l’être, qui n’est plus alors juste un humain comme les autres. Idem pour le subjectif, il faut encore aller plus loin. Je dirais que vous avez très bien vu ce qui va constituer les premiers points du plan que je vais vous proposer, tout ce qui touche au réel et au mélancolique ; mais chez Baudelaire, cela va plus loin, trouble l’esprit, assouplit les frontières entre réel et irréel et va jusqu’au malaise profond, beaucoup plus profond que la simple mélancolie romantique de départ. La mélancolie du poète vient ici d’une relation très forte au passé, comme s’il n’arrivait pas à s’en séparer, et ce retour, ce regret incessant du passé l’empêche d’avancer jusqu’à avoir des visions macabres : le spleen chez Baudelaire va très loin, jusqu’à ce que nous nommerions aujourd’hui dépression profonde et il y a des idées morbides derrière. Je crois qu’il faut aller ici jusqu’à ce degré d’analyse dans votre commentaire, on vous reprocherait de ne pas le faire dans ce célèbre poème.

Ces remarques de fond et forme, ainsi que les précédentes sur la dynamique du texte, associées à la nécessité d’avoir un plan progressif, peuvent conduire au plan suivant :

1) des sensations réelles et réalistes ; études sonorités comme dit ci-dessus, réalisme de la description, y compris dans son côté très humain ; on sent le vécu, le réel, malgré le regret du passé sur lequel on revient par la suite ; ce sont les points principaux que vous avez indiqués de manière assez développée déjà dans votre question (ces sensations sont mélancoliques de toute façon) ;

2) malgré tout, la frontière s’atténue peu à peu entre le réel et l’irréel avec l’arrivée de figures aux contours plus fous et fantomatiques : on tombe dans le passé moins réel, dans une sorte d’espace temps absolu, presque intemporel : ce réalisme ne tient plus, des figures imaginaires se mettent en place et viennent l’envahir, le contrer (aspect mélancolique ici, en encore plus profond). Au début ce sont des animaux (chat, bourdon) puis ensuite des figures vraiment imaginaires, comme les figures de cartes (cf. aussi « l’âme d’un vieux poète entre dans la gouttière » etc.).

3) enfin, toute cette mélancolie, tout ce mélange entre réel et irréel, plongent le poète, traduisent son côté macabre, vraiment désespéré : il ne peut vivre et avancé car il est comme enchaîné au passé (notion omniprésente, mot vieilli comme « pluviôse », nom de mois qui date de la révolution et n’est plus employé depuis : cela traduit son attachement, son encrage dans des temps d’avant, notion d’héritage, de lien avec le passé etc.). Tout simplement, vous avez ici à faire à un sonnet, en quatrains bien sûr, qui est déjà une forme un peu datée à l’époque : c’est un signe fort dès la découverte du poème de voir que « l’emballage » et le premier mot sont déjà anciens, dans le passé. Ces points peuvent être vos premiers points de cette dernière partie d’ailleurs, pour aller toujours du plus général, plus visible, pour aller vers le plus précis, moins évident. Et à la fin bien sûr, on finit sur l’adjectif « défunt » : voyez comment ce point est filé, écrit de manière diffuse dans le poème, surtout la fin pour renforcer ce côté morbide, macabre.

Voilà pour un plan possible. J’espère vous avoir donné quelques points de méthode pour aborder sereinement le commentaire composé d’un poème, en alliant bien fond et forme comme vous avez commencé à la faire dans votre propre analyse et comment cela nous conduit à un plan possible. Partant de là, au vu de vos réflexions premières, je pense que vous avez toutes les clefs en main pour rédiger un bon commentaire, en tenant compte bien sûr des habituelles remarques de forme : ménagez de courtes transitions entre chaque grande partie, citez le texte entre guillemets, directement inclus dans vos phrases de commentaire et analysez bien l’ensemble du texte, soignez l’introduction comme la conclusion, ainsi que le style, l’orthographe.

Sur ces dernières recommandations, je vous souhaite bon courage.
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