en une : Le raisonnement par récurrence

Quelle séduction l'écriture de perrault exerce-t-elle?

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 20/09/2007 - Question simple
                
Bonjour,

Tout d’abord, il est plus que normal que cette question vous paraisse difficile au premier abord. L’½uvre dont il est question ici est en effet un conte « enfantin », du moins destiné avant tout aux enfants et c’est ainsi qu’il est considéré dans la tradition littéraire. En faire une analyse plus poussée, devant restituer le sentiment de « séduction » qui s’exerce sur le lecteur (adulte ou enfant d’ailleurs) n’est donc pas si évident à première vue. Nous allons donc voir comment aborder cette question plus précisément.

Première remarque très générale pour ce genre de questions : commencez toujours, même si c’est ensuite insuffisant, par vous baser sur votre propre expérience. Vous êtes un lecteur et le sentiment de séduction doit donc déjà vous toucher, comme les autres. Demandez-vous donc en premier quels sentiments vous avez ressenti en lisant ce texte – en essayant d’abord de vous démarquer des considérations plus analytiques, de chercher trop le pourquoi – et essayez de voir également ce qui aurait pu séduire davantage d’autres personnes que vous, car elles sont assez différentes. Imaginez quelques grandes catégories de personnes et voyez comment elles réagiraient à cette lecture, si elles en sortiraient séduites ou non. Cela vous donne déjà quelques arguments « de bon sens » très souvent, mais qui vous seront très utiles ensuite, car ils constituent une base essentielle et peuvent déjà déboucher sur un début de plan. De même, n’hésitez pas à vous placer du point de vue de l’enfant et de l’adulte, et demandez-vous ce qui peut séduire ces deux publics a priori très différents. Toute le talent de ces auteurs de contes est justement d’arriver à raconter une histoire sur deux niveaux, avec un premier niveau très clair, avec un message fort et simple à la fois, marquant, à destination des enfants ; et ils arrivent en même temps à distiller des enseignements plus profonds, à amorcer des réflexions pour les adultes.

En fait, comme dans beaucoup de ces ½uvres très didactiques, le génie de l’auteur est de séduire tous les publics pour des raisons différentes et de donner à chacun matière à réfléchir, apprendre, penser ; avec la même histoire et les mêmes mots, il arrive à donner à chacun ce qu’il attend, ce qu’il cherche. Je vous propose de regarder quelles sont « les séductions » que cette ½uvre peut exercée (je pense en effet que votre analyse devrait vous conduire à expliquer qu’il n’y pas justement – pour reprendre le sujet – une séduction, mais bien plusieurs, qui dépendent chacune de la cible visée).

Si l’on place donc du point de vue de l’enfant, la première séduction est celle de la simplicité de l’écriture comme de l’intrigue (l’histoire complète se résume somme toute facilement et rapidement). Le langage utilisé (même s’il est assez ancien et donc moins « naturel » pour nous aujourd’hui) reste abordable, presque proche du langage oral habituel. La première séduction est donc la simplicité : une histoire qui se lit, se revient bien, se comprend aussi vite et bien ; elle attire donc vers la lecture. Comme pour chaque argument, il vous faudra bien sûr dans votre développement citer quelques extraits et passages, que vous commenterez précisément au fur et à mesure. Sur cette notion de simplicité (qui attire, puisque l’on a ainsi envie d’y revenir, de la réécouter, de la redire), basez-vous encore une fois sur votre première lecture « innocente », une lecture simple sans autre volonté d’analyse.

Le type de séduction suivant, relève aussi beaucoup du point de vue de l’enfant, il s’agit de la séduction « parce que ça fait peur » pour dire les choses simplement et de manière enfantine. Chacun de nous a en effet besoin aussi parfois de se faire peur, de tester ses limites et de s’en donner ; et cela, l’écriture de Perrault le permet car elle est calquée sur l’intrigue qui se déroule sous nos yeux : la peur lors de l’ouverture de la pièce interdite par la jeune femme, la découverte des cadavres puis le retour inattendu du mari qui annonce déjà la mort, tous ces événements font monter le sentiment d’angoisse, l’interrogation sur le dénouement. Puis soudain, bouleversement heureux, la jeune femme peut être sauvée par l’arrivée de ces deux frères. C’est donc la description du mal et de la peur, de la mort imminente qui peut survenir n’importe quand qui séduit ici ; la séduction vient même en fait surtout de la capacité de Perrault à aligner parfaitement le style, le rythme sur les événements : montée en crescendo avec l’interrogation sur la mort ou non de cette jeune femme, puis retour à une écriture plus relâchée, plus heureuse. Son écriture nous permet presque de vivre les choses comme si nous étions, elle actualise le passé en nous y faisant presque participer (en citant des exemples, vous pourrez par exemple aussi notamment vous appuyer sur le jeu des temps verbaux pour développer cet argument). Tout est vivant dans cette ½uvre, et on tremble, on vit les péripéties en même temps que les protagonistes.

Enfin, l’½uvre de Perrault est d’une écriture séduisante car elle aborde avec beaucoup de justesse et tout en étant proche de la réalité des thèmes qui touchent tout un chacun : le mariage arrangé tel qu’il pouvait exister à l’époque, la condition de certaines femmes, l’autorité de l’époux etc. La séduction vient donc d’une capacité à nous décrire des choses que nous vivons tous les jours, mais qui, transportées dans un château et racontées de cette manière, paraissent tout de suite merveilleuses, un peu comme si notre quotidien devenait lui-même merveilleux.
Pour résumer, votre discussion pourra partir des notions de « style » de l’auteur et de « simplicité » pour montrer comment la forme et l’écriture sont en fait au service du fond et si l’écriture séduit, c’est aussi à cause des thèmes abordés. C’est donc une séduction à la fois très simple (celle qui peut toucher un enfant) et une séduction très réfléchie (celle qui touche notre intellect plus que nos sens) qui s’entrecroisent. Perrault touche d’abord nos sens, par la simplicité, le rythme, les images que nous pouvons mettre derrière les mots lus, et ensuite il séduit notre intellect par des intrigues, des réflexions ou des amorces ou propositions de réflexions pour tous.

Dans votre rédaction, comme vous le savez, pensez à bien construire votre démarche, de manière progressive et structurée, en partant du plus simple et du plus évident pour aller au plus précis, au plus compliqué ; c’est aussi cette démarche analytique et réfléchie qui est notée dans ce type de devoir au-delà des arguments ; arguments toutefois essentiels, qui une fois organisés, doivent être appuyés et illustrés par des exemples bien choisis. N’oubliez que c’est le texte à commenter et étudier qui est votre point de départ, et que toute discussion très générale est à proscrire ; mieux vaut se limiter à des développements plus simples, presque « moins brillants » mais basés sur le texte et qui montrent un vrai effort de réflexion et de structuration, auquel tout correcteur est toujours sensible, plus qu’à la récitation de fiches de cours ou de culture générale, mais si les connaissances sont d’un très bon niveau.

Sur ce, je vous souhaite une bonne réflexion sur ce thème encore une fois peu évident au premier abord, ainsi que bon courage pour votre rédaction et votre travail.
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