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Composition française

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 11/05/2007 - correction
                
Bonjour,

dans le cadre des prestations proposées ici, vous trouverez ci-après un certain nombre d'éléments devant vous permettre d'arriver à une rédaction complète de ce sujet.

Tout d'abord, profitez du fait que ce devoir soit à rédiger en temps libre pour faire quelques recherches sur A. Artaud (poète français né vers 1890 et décédé il y a une cinquantaine d'années) : certes, le devoir n'est pas un exposé sur l'auteur de la citation, mais cela peut vous permettre d'avoir un éclairage sur ce qu'il voulait dire en fonction de son époque, ses oeuvres et les contemporains auxquels il pensait sûrement en écrivant cela.

Passons à l'analyse du sujet, qui prépare la rédaction de l'introduction. La grande difficulté ici est la longueur et la complexité de la phrase qui dilue un peu le sens profond. Il faut commencer par s'interroger sur le thème "reconnaître". S'agit-il d'évaluer comme pourrait le faire un critique, donc selon un certain nombre de critères par exemple ? ou s'agit-il tout simplement de voir le ressenti du lecteur ? la réponse est sûrement entre les deux même si la deuxième partie de la phrase semblerait faire pencher justement vers la seconde solution. Artaud veut sûrement opposer les deux visions et au final nous montrer qu'aux aspects esthétiques auxquels est sensible le critique, il y a l'onde de choc et d'émotion créée (ou non justement) chez le lecteur. Deux notions sont ensuite opposées : le fond et la forme : "authenticité littéraire" (là aussi il faut définir ce terme, mais il se rapporte aux considérations esthétiques à satisfaire qui sont à la base de tous les arts) puis "poème parfait" pour la forme / "pouvoir d'action" et "grand retentissement intérieur" pour le fond (ou plus précisément pour les conséquences qu'ont ou non les considérations de fond, bref le message). En définissant plus précisément ces termes, vous montrez comment fond et forme semblent s'opposer, comme si les critiques recherchaient l'esthétique à tout prix, comme l'art pour l'art, et le lecteur finalement un message fort qui l'apaise ou le fait réfléchir selon les cas ... Le message profond premier qui était donc un peu dilué est le suivant : le fait de reconnaître un poème, c'est-à-dire de donner sur lui un avis favorable, de le voir comme une oeuvre profonde voire un chef d'oeuvre repose plus sur la fond que sur la forme ? et la faiblesse de l'une peut-elle être compensée par le caractère profond et affirmé de l'autre ? Il existe parallèlement un second lien exprimé par l'auteur dans l'expression "semé de beautés fortes", expression qui utilise les termes de la forme mais concerne le fond. Comme si le caractère apparemment pauvre de la forme pouvait en fait être compensé par des maladresses de forme ou des aspects moins géniaux qui témoignent en fait d'un message fort, comme si finalement la maladresse permettait parfois d'exprimer une idée de génie de façon touchante. Nous avons donc ici identifié plus clairement la question posé par l'auteur et nous pouvons remarquer que la construction en opposition de la phrase avec cet ordre de présentation précis des thèses en opposition, doublée de l'utilisation de termes de forme pour décrire le fond semble indiquer que la question est presque rhétorique et que pour l'auteur, le fond l'emporte toujours sur la forme et que des traits moins admirés peuvent susciter un effet presque magique comme aucun autre poème ne peut le faire.

Cette analyse du sujet étant faite, vous pouvez commencer à réfléchir au plan à partir des arguments en faveur des thèses que vous trouvez, mais aussi des exemples tirés des études de l'année (corpus, oeuvres intégrales etc.).

En termes de plan et progression, soit vous repartez de la question mise en lumière ci-dessus et déroulez un plan dialectique classique, soit vous optez pour un plan plus progressif, en n'oubliant pas de bien discuter tous les points de vue. Ici, je pense qu'on peut partir du point de vue dialectique en le transformant légèrement, dans la mesure ou la question n'est pas non plus tout à fait comme on l'a vu aussi simplement "doit-on juger et reconnaître le fond ou la forme ?"; cela fera peut-être de plus un peu moins scolaire. Avant de passer à l'introduction et au développement, en termes d'exemples et sans préjuger de ce que vous avez étudié et qui fournira sans doute des exemples intéressants avec déjà des analyses de votre professeur, je vous conseille si vous y avez accès de regarder "Alcools" d'Apollinaire (avec notamment l'abandon de la ponctuation comme choix stylistique, ce qui pose justement la question du dépouillement de la forme au profit du fond et du message - encore plus fort quand on sait que l'auteur en a rédigé la majeure partie en période de première guerre mondiale et d'un certain désespoir et qu'il va mourir quelques années plus tard), mais aussi les poètes "classiques" du XIXè très attachés à la forme (comme Verlaine ou Rimbaud) ou les poèmes de Baudelaire ("L'Albatros" ou "le Voyage" ou comment faire passer au lecteur son mal de vivre, avec "Spleen" bien sûr en point d'orgue). Les poèmes de contestation ou évoquant le mal de vivre, l'inadéquation du poète à la société sont de ce point de vue intéressant car contrairement à des poèmes plus orientés amour et sentiment, les problèmes de forme sont beaucoup moins basés sur les simples apparences stylistiques et les effets de style mais beaucoup plus sur l'alliance des effets et des mots pour choquer, convaincre, interpeller, apitoyer etc.

Je reviens maintenant sur l'introduction.

Commencez par amener le sujet via un sujet plus général (vous pouvez reprendre par exemple l'idée de la lettre comme premier moyen de correspondance), et vous pouvez enchaîner par un "c'est ainsi qu'en 1923, A. Artaud pouvait écrire etc." comme amorce et annonce du sujet. Suit l'explication des mots du sujet (cf. plus haut) et la mise en relation de ces mots pour commencer une explicitation de la citation. Vous pouvez alors annoncer la problématique (sous forme de question par exemple). On finit bien sûr par l'annonce du plan.

Pour le plan, on peut envisager : (avec dans l'idéal trois sous-parties à chaque fois)

1) la poésie est un art et elle est donc jugée à partir de l'effet esthétique produit (ex des poèmes galants de la Renaissance, des choix esthétiques d'Apollinaire par exemple etc.). Certains poèmes de l'époque Renaissance sont ainsi dans le pur respect des règles de versification, organisation des strophes etc. mais restent assez "creux" dans leur fond, sur des thèmes maintes fois explorés (et pas toujours ici exploités avec grand bonheur). L'authenticité littéraire est ici à analyser dans ce sens.

2) la poésie est (de plus en plus), surtout depuis le XIXè d'ailleurs, et les changements de genre, jugée un peu comme le théâtre sur ce qu'elle apporte à la société : c'est le message délivré qui compte (cf. poètes engagés sur des thèmes comme la guerre ou les injustices). Tous les poètes qui ont voulu s'affranchir des règles de versification etc. ont voulu justement sortir de ces carcans pour pouvoir exprimer librement ce qu'ils avaient à dire, même si les strophes bien pesées et versifiées sont dans un certain sens plus "jolies". Pour eux, c'est l'affranchissement de tout cet habillage superflu qui permet un meilleur pouvoir d'action (le lecteur reste sinon accroché au côté "dégustation" de la poésie : c'est beau, c'est bon, mais après on n'y réfléchit pas; analysez par exemple en complément votre propre vécu et ressenti de lecteur). Pourtant, ce sont ces délaissements de règles classiques qui ont formé de nouvelles règles, donc une nouvelle esthétique, donc une nouvelle forme permettant de délivrer le message (évolution historique de la poésie : on est passé de la poésie divertissement de cour à la poésie outil de communication à destination de tout un chacun après le XIXème et Artaud s'interroge aussi à la suite de cette période charnière, de tous ces bouleversements). D'où :

3) Même ce qui paraît "laid" d'un point de vue forme finit par être un outil au service du message délivré (avec plus ou moins de conscience de la part du poète). Donc au final, la beauté évoquée vient surtout du ressenti du lecteur au-delà des critères du critique. Peu importe finalement le poids de chaque part et les distinctions, le principal c'est que quelque chose touche le lecteur (qui n'est lui-même pas toujours capable de dire clairement et consciemment ce que c'est précisément et pourquoi). La beauté forte n'est du ressenti de chacun et de l'adéquation entre fond et forme, l'un servant toujours l'autre de façon pas toujours facile à déterminer.

En conclusion, on en arrive à l'idée que fond et forme sont très liés et que ce qui peut paraître moche et mauvais dans un certain cadre peut être le moyen génial de faire passer un tout autre message. C'est cette alchimie si complexe qui permet de juger de la beauté d'une poésie telle que la ressent le lecteur. Le retentissement est provoqué par le fond, mais préparé par la forme, sorte de façon de faire "digérer" du mieux possible ce qui va être dit, sorte d'emballage qui prépare à mieux recevoir ce qu'il contient. La question d'Artaud aurait avant et après le XIXè siècle reçu deux réponses tranchées et opposées; aujourd'hui à la lumière de la "nouvelle poésie" et de ces considérations historiques, les choses ne sont plus si simples.

Pour la forme du devoir cette fois, pensez à ménagez des transitions comme mentionné par exemple entre 2) et 3) via une question ou une constatation qui relance le débat. En fin de conclusion, vous pouvez évoquer une ouverture (par exemple vers le théâtre qui au final a vécu un peu le même genre de virage historique et se retrouve toujours partagé entre nécessité de procurer un plaisir en tant qu'art et délivrer un message, faire réfléchir et évoluer la société en tant que moyen de persuasion qui touche l'intellect autant que les sens).

Avec les exigences habituels de forme, de présentation et de rigueur que vous connaissez, je pense que vous avez ici, à la lumière des vos études de texte, de vos cours, de vos connaissances personnelles et de votre capacité d'analyse, les éléments pour apporter une réponse riche et intéressante à cette vaste question.

Sur ce, je vous souhaite une bonne réflexion et un excellent travail.
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