en une : Le lexique de français

Sujet: pensez-vous que la littérature soit une arme efficace contre les inégalités et abus humains ?

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Pour chaque siècle ou presque, la littérature a joué un rôle important dans l'évolution des idées et des sensibilités des sociétés humaines. Beaucoup d'oeuvres ont été crées au service de la libération de l'homme dans des luttes politiques ou sociales concrètes.
Quel rôle la littérature peut-elle jouer dans la défense d'une thèse, l'expression d'une opinion, dans la lutte sociale, politique et philosophique ? Nous y répondrons en deux parties, tout d'abord nous verrons que la littérature a pour rôle de convaincre et de persuader le lecteur, puis nous étudierons ses limites; il faut tenir compte de certains paramètres et mesurer la "concurrence" exercée par les autres moyens d'expression, de nos jours surtout.

L'écrivain ne peut se désintéresser du sort de ses semblables. Son talent lui donne d'autres responsabilités, que rappelle le philosophe contemporain Jean-Paul Sartre: "L'écrivain est en situation dans époque: chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Nous écrivons pour nos contemporains, nous ne voulons pas regarder notre monde avec des yeux futurs, mais avec nos yeux de chair, avec nos vrais yeux périssables.
L'écrivain sait et donc doit agir sur le monde, eu moins le faire réagir: "Et c'est assez pour le poète d'être la mauvaise conscience de son temps", a dit le poète Saint-John Perse. Victor Hugo , dans la fonction du poète, explique pourquoi l'écrivain, "rêveur sacré", voit plus loin que les autres: c'est un mage, sa mission est de faire "flamboyer l'avenir". Il doit prêter sa voix à ceux dont on a confisqué la parole, à ceux qui ne savent pas, ne peuvent pas protester: enfants, peuples opprimés... Pour dénoncer les conditions inhumaines du travail des jeunes enfants du XIXème siècle, le poète donne littéralement la parole à ces pauvres victimes: "Il semblent dire a Dieu: Petits comme nous sommes, Notre père, voyez ce que nous font, les hommes" (Melancholia", les Contempations). Dans les châtiments, Hugo se dresse contre l'opression de Napoléon III, le liberticide, et sur tous les tons, lyrique, burlesque, épique, il stigmatise le crime inexpiable de Napoléon le Petit. "Le poète a un pied dans la boue, un oeil sur les étoiles et un poignard dans la main".
Pour convaincre, on utilise de préférence le genre de l'essai, du traité ou du discours. Au XVIIème siècle dans Descartes et Pascal, on retrouve une démarche inspirée par les raisonnements mathématiques (réseau de causes, de conséquences, de concessions, d'oppositions... pour l'argument du pari). Au XVIIIème siècle, on voit apparaître des questions philosophiques, morales, politiques: l' Emile ou De l'éducation de Rousseau, De l'esprit des lois de Montesquieu, ou bien Traité sur la tolérance de Voltaire. Ces genres sont plutôt utilisés dans des époques de raison, et pour un public sensible au raisonnement, au abstractions. Alors la littérature peut "expliquer", "raisonner".
Persuader signifie "agir sur la sensibilité du lecteur ou du public". Pour cela, les apologues sont une forme privilégiée de l'argumentation. En divertissant et en séduisant, le conte philosophique aborde des sujets plus sérieux et plus abstraits que ne laissent attendre sa légèreté et sa fantaisie, comme dans Candide de Voltaire. Pour soutenir l'intérêt du lecteur sans l'ennuyer, le récit est fait sur un rythme allègre et dans des registres variés. La théatralité des fables au sevice d'intentions didactiques et satiriques, la Fontaine, qui montre les travers humains: la fable est un instrument de satire sociale et politique "Les obsèques de la Lionne". Le théatre est un cadre idéal à l'argumentation avec dialogue d'idées, vivacité. Dans des satires du monde politique et social, Marivaux ou Beaumarchais donnent la parole aux "oppirmés" (femmes, domestiques, esclaves). Ruy Blas de Hugo (peuple oppirmé); Ubu Roi d'Alfred Jarry; La guerre de Troie n'aura pas lieu, met en place un dialogue qui développe les thèses sur la guerre (Andromaque et sa défense de la paix). C'est par les images et leur lyrisme que la poésie, "arme chargée du futur", persuade le lecteur. Le lyrisme dramatique de Chansons des rues et des Bois de Hugo "Depuis six mille ans la guerre..."; le tableua épique, sonore et coloré de la guerre dans le Mal Rimbaud. Les romanciers font réagir par leur peinture concrète du monde, qui a autant d'impact que de grands discours. Description de la misère des mineurs par Zola dans Germinal. Humour, fantaisie de Rabelais pour défendre sa conception de l'éducation.

On constate donc que chaque auteur choisit le genre, le registre, les procédés qu'il pense les plus propices pour convaincre ou persuader. Cependant, l'efficacité des textes littéraires ne dépend-elle pas de certaines conditions ? Limites ? Obstacles à surmonter ?

Autrefois, on appercevait un lectorat cultivé, capable de comprendre et d'apprécier les procédés parfois complexes mis en oeuvre. Aujourd'hui, la perte de certaines références culturelles nous ammène à une compréhension immédiate plus difficile, nécessitant des explications (vocabulaire inconnu, syntaxe complexe, procédés de style trop sophistiqués...). La langue des auteurs classiques n'est plus celle du français moderne. L'implicite et l'humour sont parfois difficiles à saisir, comme dans les fables où Rousseau met en garde contre la lecture par les enfants des fables de La Fontaine, où on y retrouve une morale implicite, souvent mal interprétée par l'enfant qui n'en tire pas la "bonne" leçon. L'ironie demande recul et distanciation, comme celle des textes du XVIIIème siècle, "De l'esclavage des Nègres", dans L' Esprit des Lois, Montesquieu feint d'y prendre le point de vue d'un esclavagiste.
Il est nécessaire d'adapter le genre et le registre visé aux circonstances de réception, c'est - à - dire au public qui est visé. Par exemple, Voltaire et son choix des contes philosophiques, mieux adaptés à un public diversifié. Une même mise en scène du Mariage de Figaro accueillie et comprise différemment par un public d'adolescents sans expérience du théâtre, en matinée scolaire, et par un public adulte d'abonnés aux soirées théâtrales. La lecture est une activité isolée, vu les difficultés d'appréciation de l'impact des textes sur les individus.
Les débats d'idées aujourd'hui passent en grande partie par:
_ Des textes non littéraires à grande diffusion: presse.
_ La parole: discours, interviews..., plus directement accessible.
_ Les images: dessins de presse et caricature, où l'équivalent des contes philosophiques de Voltaire seraient les caricatures de Plantu, documentaires filmés, films, étant plus immédiatement perçus, plus "internationales", et donc d'accès plus facile.
La littérature n' a pas pour seul but le débat d' idées: l' idée ne doit pas tuer l'art, comme la poésie engagée qui fait primer la thèse sur la mise en forme. La littérature connait d'autres "roles" d'évasion, de loisir, de vision plus globale du monde. Elle doit se dégager d'une trop grande contingence, car une littérature trop ancrée dans une époque se périme.

Les écrits n'ont pas forcément l'impact qu'on souhaiterait, mais ils influencent tout de même. Il faut que les écrivains nous rappellent sans arrêt à l'ordre, comme des chiens de garde de nos consciences. Mais le statut de la littérature est de plus en plus précaire; de plus en plus elle est concurencée, remplacée par l'image.

PS: Pouvez-vous m'indiquer si le plan et le développement sont bien suivis et si l'argumentation est suffisante.

Merci pour votre correction.
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