en une : Le raisonnement par récurrence

D4q3 pière corriger et non pas de commenter le sultan de prévert

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 24/05/2009 - correction
                
Bonjour,
Voici, suite à votre demande, je vous propose une version corrigée et remaniée de votre commentaire. Je n’ai donc rien changé au fond de votre travail mais j’ai restructuré en parties cohérentes vos différentes idées. J’espère que ce type de correction correspondra à vos attentes.
Bon continuation,
L’eteecher.

Introduction (vos paragraphes 1, 2, 3 remaniés) :
Le recueil “Paroles” est né de l’initiative d’un professeur de français et fidèle de Prévert, qui a décidé de réunir et d’éditer tous les poèmes écrits par Jacques Prévert entre 1907 et 1946. D’autres recueils suivront et des universitaires se pencheront sur ce qu’on appelle le « mystère Prévert », c’est-à-dire cette source de poésie simple, belle et apparemment “facile”. Les poèmes de “Paroles” possèdent donc un ton qui leur est propre : certains relèvent d’un réalisme minimaliste (comme “ Déjeuner du matin”), d’autres de la caricature (“la grosse tête de l’homme qui pense” dans “Evénements”), du lyrisme ou encore de la satire parfois (comme par exemple dans “La Crosse en l’air”). Le caractère bon enfant des poèmes consacrés aux oiseaux, par exemple, alterne également avec des pièces tendres, consacrées à l’amour, et avec des poèmes se présentant sous forme de petits contes philosophiques, satiriques et engagés comme l’est “Le Sultan”. Ce poème garde un ton mesuré, ce qui n’exclut pas la lucidité. En effet, Jacques Prévert y reprend librement un conte oriental cruel. « Dans les montagnes du Cachemire/ vit le Sultan de Salamandragore » : il était tellement soucieux du strict respect des lois qu'il a édictées, qu'il trouve de « bonnes » raisons pour faire condamner à mort tous ses sujets et les faire exécuter par un bourreau toujours aimable et souriant. Privé de sommeil à cause de ses remords et hanté par ses victimes, le sultan en rendit ses juges responsables et leur fit, à leur tour, trancher la tête. A la fin, une étrange relation entre le bourreau, qui personnifie la mort, et le sultan “mortifié” conduit ce dernier à céder son destin au bourreau. Ce conte permet ainsi au lecteur de prendre conscience du paradoxe de la responsabilité des juges. La responsabilité du dictateur, qui se prend de remords alors qu'il ne s'est pas souillé les mains du sang de ses victimes, est également mis en évidence. En fait, la peur terrible du sultan ne réside non pas dans sa culpabilité envers les victimes mais dans la crainte qu’il éprouve de retrouver sa propre conscience dans son sommeil. Dans une sorte d’inversion paradoxal, c’est donc le sommeil et le rêve qui le menacent : Seul le bourreau, détenteur de la mort, le protège en le maintenant dans la réalité de la vie. Il s’agira donc de voir comment Prévert, à travers un poème enjoué et mélodique fait éclater au grand jour l’absurdité de la justice. Nous étudierons donc successivement la dénonciation de l’absurdité, le caractère symbolique du poème et son ton humoristique.

I. La dénonciation de l’absurdité (vos paragraphes 5, 8)
Dans ce poème, Prévert montre que le concept de responsabilité est inhérent à la mission du juge. Normalement, la justice devrait être indépendante et libre. Or, dans ce poème, il n’y a qu’un grand juge qui est le sultan lui-même, puisque la justice rendus pas les « juges » n’est qu’une parodie de jugement (la décision de la condamnation est déjà prise). De plus, les juges du Sultan se sont mépris en se croyant protégés par le sultan : eux aussi sont éliminés. Ce poème montre donc au le lecteur l’irrationalité et l’irresponsabilité du Sultan. L’absurdité atteint son comble lorsque, voulant dissiper ses remords nocturnes et son immense solitude causés pas ses propres décisions arbitraires, le sultan demande sa propre mort au bourreau. Finalement, le seul survivant de ce sultanat dépeupler est le bourreau, c’est-à-dire la mort. Pour montrer l’absurdité de cette justice, Prévert emploie divers procédés. La longue énumération, qui associe des êtres sans aucune logique (les animaux et les hommes sont ainsi mis sur le même plan) montre par exemple que le sultan perd tout contrôle de la réalité. Il condamne tout le monde sans distinction, même ses bons fidèles. On peut remarquer qu’au sein de cette l’énumération au rythme haché, certains animaux sont anthropomorphisés par le moyen d’adjectifs tels « douce » « bon » « intègre » ou « sobres », qui habituellement sont associés à des sujets humains. Dans cette énumération abracadabrante, « les actrices de théâtre » sont associées aux « planteurs de bananes » et aux « faiseurs de bons mots » (Jacques Prévert ne s’épargne pas de la liste des condamnés !). L’association hétéroclite de ces personnages montre que le sultan est incapable de discerner le bien (la brebis, le vieillard etc) du mal (le loup, le bourreau…). Derrière le ton modéré du poème, ce cache donc bien une dénonciation de l’absurdité de la justice.

II. Le caractère symbolique du poème (vos paragraphes 7, 10)
Le caractère symbolique du poème permet cependant d’atténuer la dénonciation : celle-ci apparaît ainsi implicitement, comme entre les lignes du poèmes, sans jamais prendre un aspect polémique. Cette dénonciation, en quelque sorte « subliminale », est cependant d’une grande efficacité puisqu’elle permet au lecteur de se rendre compte presque inconsciemment de l’absurdité de la justice du sultan et ainsi de la rejeter immédiatement. On peut ainsi relever des mots et couples de mots symboliques comme le jour et la nuit. Traditionnellement, le jour est porteur de lumière et vie humaine : ici, le fait que le jour joue le rôle de la nuit (car c’est le jour qu’ont lieu les condamnations à mort arbitraires) renforce l’imbresion de renversement, d’absurdité. La « nuit », elle conserve sa symbolique de la mort puisque le sommeil ne permet pas au sultan de trouver le repas : elle n'efface pas les horreurs que le sultan a commises le jour. Enfin le visage amical et souriant du bourreau apparaît comme une autre inversion symbolique de l’absurdité et de la folie du sultan. La forme versifiée du texte de Prévert permet aussi de dévoiler le sens du poème et de montrer symboliquement l’absurdité de la justice. On peut ainsi remarquer que « Salamandragore » rime avec « s’endors » : on comprend dès le début que ce qui fait peur au sultan est ce qui se passe la nuit (ses rêves) et non ce qui se passe le jours (les terribles exécutions). De façon générale, on peut noter que Prévert joue avec les règles de la versification française : si on retrouve quelques alexandrins (tels « Le veau le loup la guêpe et la douce brebis » ou « Le bon vieillard intègre et le sobre chameau »), des allitérations traditionnelles (comme celle en –r évoquant l’agressivité, les regrets et la douleur que le sultan éprouve), ou encore des rimes (souvent en [or] : « Salamandragore » « il s’endort » « morts » « dévorent », « d’accord », « alors » et en dernière mot du poème « endors »), ces procédés ne sont pas systématiques. En un certain sens, on peut donc dire que la non-systématicité de la forme du poème imite l’absurdité même de la justice et du sultan : c’est l’imprévu et l’arbitraire qui gouvernent à la fois les vers du poème et les décisions du sultan. La poéticité du texte de Prévert symbolise donc en quelque sorte son contenu.

III. La tonalité humoristique du poème (vos paragraphes 6, 9, 12)
Enfin, la dénonciation est également atténuée par la tonalité humoristique du poème, qui lui donne un ton léger. Certaines associations de nature différentes peuvent ainsi amuser le lecteur, comme « Dans les montagnes du Cachemire/vit le sultan de Salamandragore » : « les montagnes du Cachemire » font allusion à la douceur et annonce un conte merveilleux tandis que le nom propre certainement inventé de « Salamandragore » est composé de "salamandre" et « mandragore », deux animaux inquiétants. De plus, son nom connote un certain exotisme : le lecteur est déjà intrigué et incité à plonger dans un monde bien étrange. La légéreté du poème vient aussi de sa musicalité particulière. L’énumération déjà signalée peut amuser le lecteur : le sultan, en se voulant exhaustif, se livre à des associations incongrues qui prêtent à rire. Il utilise aussi des expressions figées au ton léger (comme « et que l’on en parle plus »), qui contrastent complètement avec l’horreur perpétuée. La poésie de Jacques Prévert, dite populaire, cherche à embrasser un grand lectorat. Dans ce poème, Prévert réussi à concilier dénonciations politiques et judiciaires sérieuses avec une forme poétique simple, originale et accessible à tous.

Conclusion (vos paragraphes 11, 13 et 14)
Pour conclure, on peut dire que Prévert parvient donc à peindre les horreurs d’une justice absurde au sein même d’une poésie didactique. Ce poème commence par la description de la condamnation arbitraire de tous les sujets par le cruel sultan. Le poète souligne ensuite l’impossibilité du sultan d’assumer ses actes atroces et clôt son poème en mentionnant que seule la mort pourra endormir les remords du sultan. Comme on l’a montré, la participation active du lecteur est requise : c’est à lui d’interpréter le poème et de tirer des leçons de ce conte. Concernant la forme, « Le Sultan » est, comme dans la plupart des poèmes prosaïques de Jacques Prévert, se caractérise par l’absence de ponctuation visible et par la non-systématicité du schéma métrique et rythmique. Jacques Prévert a ainsi cherché à instruire le lecteur en lui faisant prendre conscience de l’atrocité de la mort arbitraire dans notre société. Enfin, on peut signaler des ambiguïtés demeurent : on peut tout d’abord se demander pourquoi le bourreau n’a pas commencé à abattre le sultan d’abord. Le poème pose donc la question du devoir et de obéissance aveugle à un despote très mal éclairé et inhumain. Une certaine immoralité clôt de plus le poème puisque Mais le « charmant » bourreau s’en tire à bon compte. La moralité aurait au contraire voulu qu’il soit puni pour les crimes qu’il a commet. Sans sujets, sans juge et sans Sultan, que va devenir ce souriant bourreau ?
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