en une : Le lexique de français

Spécificité d'un texte

Francais (college, lycee) > sujets expliqués - 25/04/2009 - Question simple
                
Bonjour pourriez vous m'expliquer cette question s'il vous plait. Je ne comprend pas ce que je doit faire.

Dégagez la spécificité de chacun de ces textes dans le traitement du thème du rêve, en soulignant ses relations avec d’autres
thèmes caractéristiques du mouvement romantique (3 points).
Chacune de vos réponses comptera entre vingt et trente lignes.

Fantôme d’amour
Je me composai donc une femme de toutes les femmes que j’avais vues : elle avait la taille, les cheveux
et le sourire de l’étrangère qui m’avait pressé contre son sein ; je lui donnai les yeux de telle jeune fille du
village, la fraîcheur de telle autre. Les portraits des grandes dames du temps de François 1er, de Henri IV et
de Louis XIV, dont le salon était orné, m’avaient fourni d’autres traits, et j’avais dérobé des grâces jusqu’aux
tableaux des Vierges suspendues dans les églises.
Cette charmeresse me suivait partout invisible ; je m’entretenais avec elle, comme avec un être réel ; elle
variait au gré de ma folie : Aphrodite sans voile, Diane vêtue d’azur et de rosée, Thalie au masque riant,
Hébé1 à la coupe de la jeunesse, souvent elle devenait une fée qui me soumettait la nature. Sans cesse, je
retouchais ma toile ; j’enlevais un appas à ma beauté pour le remplacer par un autre. Je changeais aussi ses
parures ; j’en empruntais à tous les pays, à tous les siècles, à tous les arts, à toutes les religions. Puis, quand
j’avais fait un chef-d’oeuvre, j’éparpillais de nouveau mes dessins et mes couleurs ; ma femme unique se
transformait en une multitude de femmes, dans lesquelles j’idolâtrais séparément les charmes que j’avais
adorés réunis.
Pygmalion fut moins amoureux de sa statue : mon embarras était de plaire à la mienne. Ne me reconnaissant
rien de ce qu’il fallait pour être aimé, je me prodiguais ce qui me manquait. Je montais à cheval comme Castor
et Pollux ; je jouais de la lyre comme Apollon ; Mars2 maniait ses armes avec moins de force et d’adresse :
héros de roman ou d’histoire, que d’aventures fictives j’entassais sur des fictions ! Les ombres des filles de
Morven3, les sultanes de Bagdad et de Grenade, les châtelaines des vieux manoirs ; bains, parfums, danses,
délices de l’Asie, tout m’était approprié par une baguette magique. […]
Au sortir de ces rêves, quand je me retrouvais un pauvre petit Breton obscur, sans gloire, sans beauté, sans
talents, qui n’attirerait les regards de personne, qui passerait ignoré, qu’aucune femme n’aimerait jamais,
le désespoir s’emparait de moi : je n’osais plus lever les yeux sur l’image brillante que j’avais attachée à
mes pas.

Texte B. Gérard de Nerval, Sylvie, chapitre 2, extrait (1854)
Le narrateur, après avoir vu au théâtre Aurélie, une actrice dont il est épris, rentre chez lui et tombe dans une
« demi-somnolence ». Dans cet état ambigu, il se remémore un souvenir de jeunesse presque oublié.
Je me représentais un château du temps de Henri IV avec ses toits pointus couverts d’ardoises et sa face
rougeâtre aux encoignures dentelées de pierres jaunies, une grande place verte encadrée d’ormes et de
tilleuls, dont le soleil couchant perçait le feuillage de ses traits enflammés. Des jeunes filles dansaient en
rond sur la pelouse en chantant de vieux airs transmis par leurs mères, et d’un français si naturellement
pur, que l’on se sentait bien exister dans ce vieux pays du Valois, où, pendant plus de mille ans, a battu le
coeur de la France.
J’étais le seul garçon dans cette ronde, où j’avais amené ma compagne toute jeune encore, Sylvie, une petite
fille du hameau voisin, si vive et si fraîche, avec ses yeux noirs, son profil régulier et sa peau légèrement
halée !... Je n’aimais qu’elle, je ne voyais qu’elle, -jusque-là ! À peine avais-je remarqué, dans la ronde où
nous dansions, une blonde, grande et belle, qu’on appelait Adrienne. Tout d’un coup, suivant les règles de
la danse, Adrienne se trouva placée seule avec moi au milieu du cercle. Nos tailles étaient pareilles. On nous
dit de nous embrasser, et la danse et le choeur tournaient plus vivement que jamais. En lui donnant ce baiser,
je ne pus m’empêcher de lui presser la main. Les longs anneaux roulés de ses cheveux d’or effleuraient mes
joues. De ce moment, un trouble inconnu s’empara de moi. – la belle devait chanter pour avoir le droit de
rentrer dans la danse. On s’assit autour d’elle, et aussitôt, d’une voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée,
comme celle des filles de ce pays brumeux, elle chanta une de ces anciennes romances pleines de mélancolie
et d’amour, qui racontent toujours les malheurs d’une princesse enfermée dans sa tour par la volonté d’un
père qui la punit d’avoir aimé. La mélodie se terminait à chaque stance par ces trilles chevrotants que font
valoir si bien les voix jeunes, quand elles imitent par un frisson modulé la voix tremblante des aïeules.
À mesure qu’elle chantait, l’ombre descendait des grands arbres, et le clair de lune naissant tombait sur
elle seule, isolée de notre cercle attentif. – Elle se tut, et personne n’osa rompre le silence. La pelouse était
couverte de faibles vapeurs condensées, qui déroulaient leurs blancs flocons sur les pointes des herbes. Nous
pensions être en paradis. – Je me levai enfin, courant au parterre du château, où se trouvaient des lauriers,
plantés dans de grands vases de faïence peints en camaïeu. Je rapportai deux branches, qui furent tressées
en couronne et nouées d’un ruban. Je posai sur la tête d’Adrienne cet ornement, dont les feuilles lustrées
éclataient sur ses cheveux blonds aux rayons pâles de la lune. Elle ressemblait à la Béatrice de Dante qui
sourit au poète errant sur la lisière des saintes demeures.
Adrienne se leva. Développant sa taille élancée, elle nous fit un salut gracieux, et rentra en courant dans
le château. – C’était, nous dit-on, la petite-fille de l’un des descendants d’une famille alliée aux anciens
rois de France ; le sang des Valois coulait dans ses veines. Pour ce jour de fête, on lui avait permis de se
mêler à nos jeux ; nous ne devions plus la revoir, car le lendemain, elle repartit pour un couvent où elle
était pensionnaire4.
Par la suite, le narrateur déchiffre son rêve : « Cet amour vague et sans espoir, conçu pour une femme de
théâtre […] avait son germe dans le souvenir d’Adrienne », dans la ressemblance entre Adrienne et Aurélie.
Et il s’écrie : « aimer une religieuse sous la forme d’une actrice !... et si c’était la même ! – Il y a de quoi
devenir fou ! »

Texte C. Théophile Gautier, La Morte amoureuse, extrait (1836)
Le narrateur, un vieux prêtre, raconte, que dans sa jeunesse, pendant plus de trois ans, il a mené en rêve, toutes les
nuits, une vie de luxe et de débauche. Le jour même de son ordination, il s’est épris d’une superbe jeune femme
nommée Clarimonde… Mais il a été nommé au loin dans une cure de campagne. Un an après, en pleine nuit,
un homme étrange vient le chercher pour sa maîtresse, une grande dame à l’article de la mort. Au terme d’une
chevauchée infernale, ils arrivent dans un château « royal et féerique ». Mais il est trop tard ; ayant reconnu
son page, le narrateur comprend que la morte est Clarimonde. On le laisse faire seul la veillée funèbre.
Cependant, pris d’un léger doute sur l’identité de la défunte, il soulève le linceul pour la voir.
C’était en effet la Clarimonde telle que je l’avais vue à l’église lors de mon ordination ; elle était aussi charmante,
et la mort chez elle semblait une coquetterie de plus. La pâleur de ses joues, le rose moins vif de ses lèvres, ses
longs cils baissés et découpant leur frange brune sur cette blancheur, lui donnaient une expression de chasteté
mélancolique et de souffrance pensive d’une puissance de séduction inexprimable ; ses longs cheveux dénoués, où
se trouvaient encore mêlées quelques petites fleurs bleues, faisaient un oreiller à sa tête et protégeaient de leurs
boucles la nudité de ses épaules ; ses belles mains, plus pures, plus diaphanes5 que des hosties, étaient croisées
dans une attitude de pieux repos et de tacite6 prière, qui corrigeait ce qu’auraient pu avoir de trop séduisant,
même dans la mort, l’exquise rondeur et le poli d’ivoire de ses bras nus dont on n’avait pas ôté les bracelets de
perles. Je restai longtemps absorbé dans une muette contemplation, et, plus je la regardais, moins je pouvais
croire que la vie avait pour toujours abandonné ce beau corps. Je ne sais si cela était une illusion ou un reflet
de la lampe, mais on eût dit que le sang recommençait à circuler sous cette mate pâleur ; cependant, elle était
toujours de la plus parfaite immobilité. Je touchai légèrement son bras ; il était froid, mais pas plus froid pourtant
que sa main le jour qu’elle avait effleuré la mienne sous le portail de l’église. Je repris ma position, penchant
ma figure sur la sienne et laissant pleuvoir sur ses joues la tiède rosée de mes larmes. Ah ! quel sentiment amer
de désespoir et d’impuissance ! quelle agonie que cette veille ! J’aurais voulu pouvoir ramasser ma vie en un
monceau pour la lui donner et souffler sur sa dépouille glacée la flamme qui me dévorait. La nuit s’avançait, et,
sentant approcher le moment de la séparation éternelle, je ne pus me refuser cette triste et suprême douceur
de déposer un baiser sur les lèvres mortes de celle qui avait eu tout mon amour. Ô prodige ! un léger souffle
se mêla à mon souffle, et la bouche de Clarimonde répondit à la pression de la mienne : ses yeux s’ouvrirent et
reprirent un peu d’éclat, elle fit un soupir, et, décroisant ses bras, elle les passa derrière mon cou avec un air de
ravissement ineffable. « Ah ! c’est toi, Romuald, dit-elle d’une voix languissante et douce comme les dernières
vibrations d’une harpe ; que fais-tu donc ? Je t’ai attendu si longtemps, que je suis morte ; mais maintenant
nous sommes fiancés, je pourrai te voir et aller chez toi. Adieu, Romuald, adieu ! je t’aime ; c’est tout ce que je
voulais te dire, et je rends la vie que tu as rappelée sur moi une minute avec ton baiser ; à bientôt. »
Sa tête retomba en arrière, mais elle m’entourait toujours de ses bras comme pour me retenir. Un tourbillon de
vent furieux défonça la fenêtre et entra dans la chambre ; la dernière feuille de la rose blanche palpita quelque
temps comme une aile au bout de la tige, puis elle se détacha et s’envola par la croisée ouverte, emportant avec
elle l’âme de Clarimonde. La lampe s’éteignit et je tombai évanoui sur le sein de la belle morte.
Quand je revins à moi, j’étais couché sur mon lit, dans ma petite chambre du presbytère, et le vieux chien de l’ancien
curé léchait ma main allongée hors de la couverture. Barbara s’agitait dans la chambre avec un tremblement
sénile, ouvrant et fermant des tiroirs, ou remuant des poudres dans des verres. En me voyant ouvrir les yeux, la
vieille poussa un cri de joie, le chien jappa et frétilla de la queue, mais j’étais si faible, que je ne pus prononcer
une seule parole ni faire aucun mouvement. J’ai su depuis que j’étais resté trois jours ainsi, ne donnant d’autre
signe d’existence qu’une respiration presque insensible. Ces trois jours ne comptent pas dans ma vie, et je ne
sais où mon esprit était allé pendant tout ce temps ; je n’en ai gardé aucun souvenir. Barbara m’a conté que le
même homme au teint cuivré, qui m’était venu chercher pendant la nuit, m’avait ramené le matin dans une
litière fermée et s’en était retourné aussitôt.
Durant sa convalescence, l’abbé Sérapion vient rendre visite au narrateur et lui annonce la mort de « la grande
courtisane Clarimonde » à la suite d’une orgie. Il ajoute : « Il a couru de tout temps sur cette Clarimonde de
bien étranges histoires et tous ses amants ont fini d’une manière misérable ou violente. On a dit que c’était
une goule7, un vampire femelle (…) La pierre de Clarimonde devrait être scellée d’un triple sceau ; car ce n’est
pas, à ce qu’on dit, la première fois qu’elle est morte. »
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