en une : Le raisonnement par récurrence

Humanisme et lumières

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INTRODUISONS LA NOTION

Un tas d'excréments. Voilà ce qu'est l'homme aux yeux d'un pape du moyen âge, Innocent III. C'est que l'Eglise médiévale n'est pas tendre avec l'homme : orgueilleux, batailleur, grossier, l'homme oublie souvent qu'il n'est que l'imparfaite créature d'un créateur parfait. Comparée à son créateur, la créature est effectivement immonde : l' imperfection et la finitude de l'homme s'opposent à la perfection et à l'éternité de Dieu.
La Renaissance va être une réaction contre cette vision de l'homme : vu du point de vue de Dieu, en plongée, pour ainsi dire, l'homme est petit, médiocre, ratatiné.

La Renaissance va abandonner le point de vue de Dieu pour adopter celui de l'homme : l'homme se contemple lui-même, sans plus se comparer à Dieu, et se trouve digne, beau même, voire admirable. Il n'est peut-être pas parfait, mais il a su faire de grandes et belles choses. Cette conscience renouvelée de la valeur de l'homme à la Renaissance porte le nom d'humanisme. La valeur de l'homme est attestée par ces brillantes civilisations de l'Antiquité que la Renaissance redécouvre : la Grèce et Rome sont l'oeuvre des hommes, et d'hommes seuls, privés de ce Dieu des chrétiens auxquels ils ne croyaient pas encore.

Pour mieux connaître et étudier ces civilisations, l'humanisme prône l'étude de l'histoire, des lettres et des langues anciennes, le latin et le grec. Ces disciplines constituent ce que l'on appelle les humanités : elles nous donnent accès à la beauté de l'homme à travers ses réalisations, et elles nous rendent plus et mieux humains. Ces disciplines aguerrissent notre esprit et polissent notre caractère. Elles contribuent à créer une société d'hommes libres et policés.

ALLONS UN PEU PLUS LOIN

L'humanisme est une époque optimiste : par l'éducation, l'homme se libère de la nature en lui, de cette animalité violente et égoïste que les lettres et les arts viennent apaiser. Les humanistes sont des passionnés de pédagogie, que ce soit Erasme ou Rabelais. Dans une époque troublée par les guerres de religion, les humanistes veulent croire à une société régie par la raison en l'homme : cette raison, c'est le travail des lettres classiques, la méditation de la sagesse et de l'histoire antique, qui vont la développer. Et quand le présent, par ses guerres et ses troubles, fera vaciller l'espoir d'une humanité pacifique, l'humaniste trouvera sa consolation dans les grandes réalisations du passé, que ce soit les grandes oeuvres d'art de l'antiquité, ses traités philosophiques, ou ses réalisations politiques, comme l'empire romain et la pax romana.
L'humanisme, c'est donc une certaine idée de l'homme, de sa dignité, et de sa paix. Tout seul, par lui-même, l'homme se fait et se crée, et, dans les moments de doute, il puise espoir et consolation dans les merveilles du passé.

L'humanisme s'éloigne donc de la vision médiévale très négative d'un homme pécheur et imparfait. Dieu reste certes présent, parce que les humanistes ne pensent pas encore un monde sans Dieu, l'athéisme n'est pas encore pensable, mais il n'est plus omniprésent et écrasant : l'homme se forge une représentation immédiate, sans la médiation de Dieu, sans plus se comparer à lui.

Il se libère donc d'un impératif inaccessible, qui l'entretenait dans l'idée de son indignité : atteindre la perfection de Dieu étant impossible, l'homme souffrait de la haine de soi.
A qui profitait-elle ? à l'Eglise, qui recueillait les fruits de ce désespoir humain : l'Eglise entretenait ce désespoir, et le soignait. Que l'Eglise soit un lieu de pouvoir, un message d'esclavage et de subordination, ce sont des humanistes qui l'ont dit avec force au XVIème siècle, provoquant la Réforme protestante.

Le XVIIIème siècle reprend et approfondit cette intuition : digne et admirable en soi, l'homme est asservi aux puissances de la tradition et de la tyrannie ; l'Eglise et le Roi maintiennent l'homme dans l'obscurité de l'ignorance, pour mieux le soumettre. Il va donc falloir le libérer, par les Lumières.

L'homme de l'humanisme, qui s'est découvert digne en soi, digne par lui-même, va désormais devoir être digne de lui-même.
L'homme est fondamentalement libre : il est doté par naissance, c'est-à-dire par nature, de droits fondamentaux, à la survie, à la liberté, à l'égalité. Seul un système social pervers le prive de ses droits, en niant l'égalité et la liberté. Les Lumières, l'oeuvre critique des philosophes, va donc montrer que ce système social, qui se présente comme immémorial et éternel, est le fruit de l'histoire et de la tradition. Qu'il peut donc être changé, que d'autres sociétés son imaginables où les castes sociales, les privilèges et le roi auraient disparu.

Le travail de lecture et d'acquisition de la connaissance est donc libérateur. En exerçant mon intelligence et en acquérant une culture, je me libère des mensonges qui viennent justifier présent des choses : je m'en laisse moins conter. Les ténèbres de l'ignorance et de l'esclavage sont dissipées par les lumières de la raison.
Les Lumières sont donc le siècle de la raison, de la critique et de l'autonomie : seule l'activité de la raison, la critique informée de ce qui est, me permet d'être autonome, c'est-à-dire libre de ce qui peut m'asservir. En opérant une critique du discours de la religion et du pouvoir, de tout ce qui vient justifier l'ordre des choses, en déconstruisant les traditions, je construis ma liberté.

BIBLIOGRAPHIE CONSEILLÉE

- Pic de la Mirandole, Traité de la dignité de l'homme.
- Erasme, De l'éducation du Prince
- Kant, Qu'est-ce que les lumières ?
- Kant, Métaphysique des moeurs
- Adorno, Horkheimer, La dialectique de la raison.